
Maintenir l’autonomie et la participation sociale de la personne.
Sandrine Hudson-Pradier est administratrice du CNP de l’Ergothérapie, conseillère auprès du SYNFEL (Syndicat Français de l’Ergothérapie Libérale).
Quel est le rôle d’un-e ergothérapeute ?
L’ergothérapeute est un professionnel de santé titulaire d’un diplôme d’Etat (3 ou 4 ans de formation supérieure). Il intervient notamment dans les domaines de la rééducation et du conseil en aide technique. Il est utile tout au long de la vie puisqu’il concerne des personnes de tout âge (enfants, adultes, personnes âgées) qu’elles présentent des déficiences acquises (maladie, accident) ou de naissance, des troubles du développement et des apprentissages, qu’elles pratiquent des activités à risques, soient en situation de handicap ou avancent en âge.
L’ergothérapeute peut exercer en libéral ou comme salarié (services de réadaptation des hôpitaux, centres de réadaptation, établissements d’hébergement, caisses de retraites, mutuelles, institutions de prévoyance et assurances).
Garantir les activités, améliorer les capacités, optimiser les compétences, rechercher de nouvelles solutions, adapter l’environnement et développer l’autonomie : tels sont les apports de l’ergothérapie.
Pour y parvenir, l’ergothérapeute réalise des bilans sur cinq axes (physique, cognitif, psychologique, environnemental et social) pour déterminer les raisons pour lesquelles une personne ne peut s’adonner aux activités qu’elle souhaite ou doit exercer. Il identifie les capacités et incapacités et les met en rapport avec les pathologies diagnostiquées ou détectées. Il effectue des recherches sur les aides techniques et technologiques disponibles et propose ensuite des solutions immédiates palliatives ET des solutions à moyen et long terme qui passent souvent par de la rééducation.
Comment l’ergothérapeute peut-il renforcer l’autonomie des personnes âgées ou handicapées ?
Les missions de l’ergothérapeute contribuent à renforcer l’autonomie des personnes. Le professionnel évalue les capacités et les dysfonctionnements, analyse les besoins, les habitudes de vie, les facteurs environnementaux, les situations de handicap.
Il anticipe pour maintenir l’indépendance et améliorer l’autonomie et la participation sociale de la personne. L’ergothérapeute propose des activités, des actions ou des techniques thérapeutiques spécifiques afin de prévenir la perte d’autonomie. Il conçoit des environnements sécurisés, adaptés et accessibles, préconise les aides techniques et les assistances technologiques, les aides humaines, les aides animalières nécessaires à l’autonomie et la qualité de vie.
Il peut recommander ou réaliser du petit appareillage provisoire et entraîner les personnes à leur utilisation.
Il accomplit ces missions en accompagnant non seulement la personne mais aussi ses aidants au quotidien.
Exemple d’intervention d’un.e ergothérapeute libéral.e au domicile de la personne âgée :
Nous intervenons sur la demande de la personne qui ressent que son environnement au domicile ne lui permet plus une liberté de mouvement ou entrave ses activités, actuelles ou futures.
Dans un premier temps, nous essayons de comprendre l’objet de sa démarche : « Qu’est-ce qui vous fait peur à votre domicile, quels sont vos objectifs ? ».
Puis nous passons aux bilans, le moins possible en statique (lorsque l’on a de l’expérience) avec les documents médicaux, les éventuelles aides (assurances, mutuelles, etc…).
Ensuite, nous visitons le domicile avec la personne en lui demandant d’effectuer certaines tâches (mettre la table, se brosser les dents,…). Nous prenons des mesures si besoin et nous regardons aussi l’accessibilité extérieure pour les autres actions (faire les courses,…).
Lors d’une de mes dernières interventions, la personne n’avait aucun trouble physique mais commençait à avoir de très sérieux troubles cognitifs, très occasionnels. Elle avait peur de se perdre dans sa très grande maison, isolée en campagne, avec un immense jardin, mais aussi en voiture car elle avait besoin d’aller faire ses courses lorsque son mari était en déplacement.
Le souci majeur était de déconstruire les images qu’elle avait : non, un collier « bip » subventionné n’était pas suffisant dans son cas, puisque non seulement il ne correspondait pas au périmètre intérieur et extérieur du domicile, mais en plus elle oublierait de le recharger dans le laps de temps de l’absence de son époux (1 mois). Il fallait trouver une solution rapidement (il partait 15 jours après la visite). Nous l’avons trouvée avec un objet technologique multi-réseaux à batterie performante et des solutions à long terme avec des partenaires sociaux terrain (la mise en place du dossier prend 1 mois), avec de multiples aides techniques qui facilitent le quotidien sur le long terme.
Que peuvent proposer les ergothérapeutes aux institutions de prévoyance, mutuelles et assureurs ?
L’erreur principale consisterait à attribuer un financement qui ne soit pas du tout à la hauteur des besoins.
Si le métier d’ergothérapeute est encore mal connu en France, il apporte une vraie valeur ajoutée en termes de bien-être et d’autonomie de la personne. L’ergothérapeute a un rôle essentiel en matière de maintien des capacités, de l’activité, de préservation du bien-être physique et mental, du lien social : autant de facteurs essentiels de la prévention de la perte d’autonomie. L’ergothérapie offre une approche globale et multidimensionnelle du handicap et de la perte d’autonomie. Elle permet de mieux faire face aux ruptures de vie, y compris en limitant leur impact et donc le risque de dégradation des conditions de vie.
C’est la raison pour laquelle les services des ergothérapeutes ont vocation à s’intégrer aux offres de services des acteurs de la protection sociale, associés ou non à un capital ou à une rente : bilan avant le départ à la retraite, offres d’accompagnement et de prévention pour les salariés aidants dans le cadre de contrats individuels ou collectifs, insertion dans des dispositifs collectifs comme le Haut degré de solidarité des branches professionnelles, …
Les services de l’ergothérapeute sont au cœur des attentes de la société, compte tenu du vieillissement démographique, du développement du nombre des proches aidants et de l’aspiration croissante à l’autonomie. La démarche de l’ergothérapeute est différenciante pour les assureurs et impactante pour les assurés.
Les ergothérapeutes ont aussi quelques attentes vis-à-vis du monde de l’assurance. Les assureurs pourraient contribuer à faire connaître le métier et les professionnels qualifiés. Ils devraient déclencher leur intervention avant de financer le matériel, pour éviter le gaspillage et financer les actions de rééducation réalisées par les ergothérapeutes.
Les objets conseillés par des personnes qui ne font pas les bilans au domicile sont certes utiles dans beaucoup de cas, mais les personnes âgées ne sont pas toutes identiques et nous avons la chance d’avoir beaucoup de choix de matériel à conseiller en France, qui s’adaptent aux cas particuliers.
Passer par un bilan ergothérapique, effectué par un professionnel diplômé dans cette profession, évitera les multiples objets « remboursés » totalement inutiles que nous observons très souvent au domicile.
Passer par un ergothérapeute AVANT de payer des aides techniques ou des travaux d’amélioration garantit la prise en compte de l’évolution de toutes les pathologies de la personne fragile. Ce qui est différent de la démarche : « Il a Alzheimer, il lui faut cela… ».