Françoise Tenenbaum, Présidente du Pôle de gérontologie et d’innovation Bourgogne-Franche-Comté (PGI)

Catherine Rauscher-Paris, Directrice du Pôle de gérontologie et d’innovation Bourgogne-Franche-Comté (PGI)

Face à la révolution démographique, la priorité de tous les acteurs du bien vieillir est notre capacité d’accélération.

Quels sont les principaux axes de l’action du Gérontopôle ? Quelles sont ses spécificités par rapport aux gérontopôles implantés dans d’autres régions ?

Il y a avant tout une cohérence, et une coordination, entre les gérontopôles régionaux en France.

Le rôle du PGI (Pôle de gérontologie et d’innovation Bourgogne-Franche-Comté) est de faire converger les volontés et les compétences pour contribuer à la qualité de vie des personnes âgées.

Notre expérience garantit la force du réseau, la capacité d’innovation et la robustesse des travaux.

Le PGI a été créé en 2010, mais en Bourgogne-Franche-Comté, l’acculturation des acteurs de la région, leur coordination et leur action commune ont commencé dès 2002, avec l’Institut régional du vieillissement en Franche-Comté, et se sont poursuivies en 2007, avec le Gérontopôle Pierre Pfitzenmeyer du CHU de Dijon. On peut considérer que le premier a anticipé la définition de 2015, tandis que le second s’est inscrit dans celle de 2007[1].

Cette synthèse, et le choix d’un territoire d’action alors interrégional, ont été portés par 7 membres fondateurs : les deux CHU de Besançon et de Dijon, les deux Universités de Bourgogne et de Franche-Comté, l’Institut régional du vieillissement, le Gérontopôle Pierre Pfitzenmeyer et la Carsat Bourgogne-Franche-Comté, sur lettres de mission des deux ARH de Bourgogne et de Franche-Comté.

Un positionnement d’unique acteur régional sur le vieillissement, facilitateur et accélérateur de l’écosystème.

Notre mission est inscrite dans notre nom :

  • La gérontologie : nous étudions le vieillissement, de la société et des personnes, dans toutes ses dimensions et en pluridisciplinarité ;
  • L’innovation : nous concevons, expérimentons, évaluons et portons le développement, de manière participative et responsable, de réponses à des besoins et de solutions à des problèmes, notamment pour accompagner les politiques institutionnelles et soutenir les acteurs sanitaires, médico-sociaux, sociaux et économiques.

A-t-on des spécificités par rapport aux autres gérontopôles régionaux ? Notre réflexion et nos priorités d’action convergent, heureusement. Nos domaines d’action sont proches : recherches, études & évaluations, silver économie, formation, prévention et action territoriale.

Mais, sans doute, notre expérience, notre ancrage régional, l’identité de nos fondateurs, influencent les thématiques dont on s’empare plus fortement en Bourgogne-Franche-Comté, et les types d’actions structurantes et pluriannuelles que l’on porte.

Nous avons en Bourgogne-Franche-Comté un positionnement d’unique acteur régional sur les questions du vieillissement, pluridisciplinaire et pluri-thématiques, qui est incontournable, facilitateur et accélérateur pour tout notre écosystème.

Repérage et évaluation de la fragilité, évolutions de l’habitat, transformations de l’EHPAD, prévention primaire, secondaire et tertiaire de la perte d’autonomie, soutien aux aidants, développement coordonné de la silver économie, sont parmi nos thématiques fortes.

Le PGI se distingue par exemple par nos travaux FRAGIRE et toutes leurs retombées concrètes à l’échelle nationale, en matière de repérage et évaluation de la fragilité en appui de l’inter-régime retraite et de l’action sociale. Ou par notre programme OMEGAH de prévention pour tous les EHPAD de notre région, unique en France, qui associe beaucoup de partenaires et propose 9 thématiques de prévention aux professionnels et résidents grâce au financement par l’ARS. Ou encore par notre démarche living lab qui est mise en œuvre non seulement avec les acteurs du PGI avec et pour les personnes âgées, mais aussi avec des partenaires du champ du handicap en Bourgogne-Franche-Comté.

Quels sont vos partenaires (publics, privés, associatifs, financeurs) ? Comment organisez-vous la coordination avec eux ?

A sa naissance, autour des membres fondateurs, le PGI a tout de suite réuni 48 partenaires, diversifiés et pluridisciplinaires. Parmi ceux-ci, les villes et intercommunalités de Dijon et Besançon ont été très actives. Ces partenaires ont travaillé ensemble à définir les axes stratégiques et les premières actions fédératrices du PGI, à l’échelle des deux régions de Bourgogne et de Franche-Comté, maintenant fusionnées.

Fédérer les acteurs, développer l’expertise.

En 2021, notre pôle réunit plus de 60 membres, personnes morales et personnes qualifiées, et coordonne plus de 100 partenaires dans le cadre de ses activités. Il s’agit d’acteurs publics et privés complémentaires, qui ont en commun leur volonté d’innover ensemble pour la qualité de vie dans l’avancée en âge et l’accompagnement du vieillissement de la société, et qui sont liés par notre charte de l’adhérent et par le cadrage concerté des projets.

On peut considérer que les sept fondateurs, avec l’ARS Bourgogne-Franche-Comté, et les villes et intercommunalités de Dijon, Dijon Métropole, Besançon et Besançon Métropole, ont constitué le « noyau dur » de la dynamique d’acteurs.

Nous sommes une association, et nos membres sont répartis en collèges au sein de l’assemblée générale, tous représentés au conseil d’administration et au bureau : les fondateurs, les invités permanents, les entreprises & acteurs économiques, les acteurs de la prise en charge, les acteurs institutionnels et de formation & recherche, les collectivités & leurs groupements, et les personnes qualifiées.

Notre action repose sur deux principes, que ce réseau rend possibles :

  • Fédérer les acteurs, car chacune de nos actions est réalisée par notre équipe technique et des partenaires, membres ou non du PGI, dans des configurations à géométrie variable, chaque fois adaptées ;
  • Développer l’expertise, le croisement de ces compétences et connaissances, la recherche toujours en filigrane de notre travail, la méthodologie constamment rigoureuse, visant à produire, capitaliser et valoriser les enseignements pour atteindre des impacts concrets.

La coordination est assurée par les partis pris d’organisation de notre gouvernance, de pôle et de projets, et par le professionnalisme de l’équipe :

  • Existent à l’échelle régionale, auprès de nos instances délibératives, un conseil scientifique qui associe sciences médicales, sciences humaines et sociales et sciences de l’ingénieur, et un comité stratégique, qui réunit les représentants d’usagers et les financeurs de l’association PGI.
  • Pour la conception, la réalisation, l’évaluation et la pérennisation de chaque action se mettent chaque fois en place des groupes d’experts adaptés aux sujets et aux objectifs visés, et animés par les salariés.

Comment les groupes de protection sociale et les mutuelles interviennent-ils ?

Nous comptons parmi nos membres historiques AG2R La Mondiale Bourgogne-Franche-Comté, la Mutualité française Bourgogne-Franche-Comté et la Mutualité bourguignonne SSAM. Actuellement, sont aussi membres adhérents l’Agirc-Arrco, Malakoff Humanis, la Mutualité comtoise SSAM et la Mutualité Saône-et-Loire SSAM.

Les groupes de protection sociale et mutuelles sont des partenaires actifs et innovants.

Ce sont des partenaires particulièrement actifs et innovants au sein du PGI, qui s’impliquent dans les actions en mobilisant leurs ressources humaines et des financements, et qui sont souvent à l’origine de nouvelles initiatives. Depuis 3 ans, entre autres, nous avons beaucoup avancé sur le sujet des alternatives non médicamenteuses et leur développement dans la région grâce à une initiative d’AG2R La Mondiale BFC. Nous sommes aussi partenaire pour proposer une évaluation centrée sur les usages de l’expérimentation de dispositif renforcé d’accompagnement à domicile (EHPAD hors les murs, article 51) porté par la Mutualité française Saône-et-Loire.

Pouvez-vous nous décrire quelques initiatives récentes lancées par le Gérontopôle ?

Nos initiatives sont celles de notre réseau d’acteurs ; elles s’inscrivent aussi dans nos collaborations nationales et internationales. Elles sont donc riches et diversifiées, et toutes lancées pour réaliser notre mission : contribuer à la qualité de vie des personnes âgées.

Assurer la réussite du Service civique solidarité seniors.

Chaque année, notre programme de travail intègre donc de nouvelles actions. En 2021, il s’agit par exemple de la création et du pilotage du comité régional de la silver économie, de la mise en place du Lab Innov EHPAD avec le Département du Doubs, de la conception et du déploiement d’un programme de formation pour les travailleurs sociaux de la SNCF action sociale de toute la France, du lancement d’une étude prospective sur l’APA à domicile avec le Département de Saône-et-Loire, etc.

Il y a aussi des initiatives en matière de partenariats qui font sens : nous avons par exemple choisi de nous impliquer très tôt, sur le plan stratégique et opérationnel, pour que le Service civique solidarité seniors soit une réussite dans notre région.

Les nouvelles actions ne remplacent pas celles qui sont en cours, majeures et structurantes. En particulier concernant les évolutions de l’habitat des seniors, et celles des EHPAD. Elles viennent les enrichir dans une approche globale.

Quel a été votre rôle pendant la crise sanitaire ?

Nos membres et partenaires « de la première ligne » ont souhaité que le PGI puisse conserver la capacité à innover, à assurer la veille et la réflexion de fond, et à construire les actions d’avenir. Nous avons donc adapté notre fonctionnement pour que cela reste possible.

C’est surtout au printemps 2020 qu’ils ont eu besoin du PGI pour les aider à faire face à la crise. Nous avons donc assuré la plus grande réactivité possible. Par exemple pour aider les services à domicile en reprise d’activité à repérer les risques de fragilité des bénéficiaires âgés en sortie de premier confinement. Ou encore pour accompagner les EHPAD à la réouverture sur l’extérieur. Et nous nous sommes à nouveau mobilisés au printemps 2021 pour sensibiliser les professionnels du médico-social à la vaccination.

Étudier la pérennisation des innovations nées de la crise COVID.

Maintenant, avec ces acteurs, nous engageons l’évaluation de plusieurs innovations organisationnelles de crise, qui se sont mises en place dans la région en contexte Covid-19. L’enjeu est d’en mesurer rigoureusement les résultats et les impacts pour identifier leur potentiel de pérennisation.

Quels sont vos objectifs, votre vision des priorités pour le bien-vieillir ?

Il est courant de rappeler que trois révolutions, numérique, écologique et démographique sont en train de transformer profondément notre société. On le sait, le nombre des 75-84 ans va enregistrer en France une croissance inédite de 49% entre 2020 et 2030, passant de 4.1 millions à 6.1 millions. Les défis sont nombreux, car cette révolution démographique n’a pas été suffisamment anticipée.

Certains enjeux sont urgents. La crise sanitaire les a rendus visibles : les solidarités entre générations, le « virage domiciliaire », l’accès aux soins, le soutien aux aidants, et bien sûr la prévention des fragilités, qu’il faut aussi conduire en pluridisciplinarité et en pluri-partenariats

Une société pour tous les âges, l’équité d’accès à la qualité de vie et le libre choix jusqu’à la fin de sa vie.

La priorité, pour tous les acteurs du « bien vieillir », est donc avant tout notre capacité d’accélération, alors que le vieillissement est complexe, du point de vue individuel comme sociétal, et que les réponses aux enjeux doivent s’inscrire dans la triple révolution de la société mondiale, elle aussi excessivement complexe.

Au PGI, nous portons des valeurs fortes : une société pour tous les âges, l’équité d’accès à la qualité de vie et le libre choix jusqu’à la fin de sa vie. Nous faisons confiance depuis le début à la collaboration entre tous les acteurs, publics et privés, qui veulent contribuer à ce projet dans une démarche responsable.

Nous allons donc continuer à conduire notre mission de manière globale, en intégrant de plus en plus de méthodes et de collaborations performantes, en région et hors région, pour participer à l’accélération souhaitable des réponses à apporter, au bénéfice de toutes et tous. Le rapprochement entre les gérontopôles régionaux est un exemple de cette dynamique.


[1] Deux cadres de référence de la part du Ministère des Solidarités et de la Santé ont marqué la naissance des gérontopôles :

  • En 2007, l’invitation à créer des gérontopôles sur le modèle des cancéropôles pour structurer la recherche et les soins et innover à partir sous l’impulsion des sciences médicales.
  • Puis en 2015, la définition inscrite en annexe de la loi ASV : « La prévention de la perte d’autonomie et l’accompagnement de l’allongement de la vie sont un des grands défis à relever dans notre société. La mission des gérontopôles est de rapprocher et de dynamiser autour du vieillissement les acteurs de la recherche, du soin (à l’hôpital, en ville, en établissement médico-social), de la formation et de l’entreprise. Ils faciliteront le transfert de la recherche, du développement technologique (« silver économie ») vers le soin, le médico-social et les services apportés aux âgés. » (Annexe à l’article 2 volet 1 point 1.3 de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement).