L‘inclusion numérique est notre cheval de bataille.

* L’écosystème européen Silver Valley fédère 300 acteurs de la Silver économie. Expert dans les domaines de la population des séniors et de l’innovation, Silver Valley accompagne les entreprises innovantes pour accélérer le développement et la mise sur le marché de solutions favorisant le mieux vieillir.

Dans  la crise sanitaire actuelle, comment les acteurs de la Silver économie peuvent-ils aider les séniors ?

Les acteurs de la Silver Economie se sont mobilisés de façon très pro-active et efficace. Les grandes organisations comme la Croix-Rouge française ou les Petits Frères des Pauvres ont été très réactives pour proposer des dispositifs spécifiques pour les séniors isolés. Un rapport sur la lutte contre l’isolement, commandé par le Ministre Olivier Véran à Jérôme Guedj, a été remis le 5 avril. Toutes ces actions ont été réalisées en un temps record, ce qui prouve que la puissance publique non seulement sait s’adapter, mais aussi sait innover, presque dans le même temps que les startups!

Celles-ci se sont d’ailleurs mobilisées spontanément. Très nombreux sont les innovateurs de la Silver économie qui ont commencé à proposer leurs services gratuitement aux séniors mais aussi aux organisations en capacité de les distribuer comme les mutuelles et les institutions de prévoyance. C’est dans ce cadre que Silver Valley a constitué un collectif de 65 projets à ce jour qui propose des solutions à la fois utiles, répondant aux attentes des séniors, digitales et gratuites pour la plupart.

Nous nous sommes inscrits dans le cadre de #techforgood car plus que jamais la technologie propose un apport contributif et solidaire dans cette situation exceptionnelle de confinement. En effet, le confinement pour les séniors autonomes au domicile représente un isolement total. Nous avons réalisé un Open Lab (groupe de parole en ligne) avec des séniors pour savoir comment ils vivaient la situation (les résultats de cet Open Lab ont d’ailleurs étaient largement repris dans le rapport Guedj-Véran), et la première crainte dont ils nous ont fait part était d’être isolés (voir l’infographie sur les séniors autonomes au domicile en fin d’article, réalisée par Silver Valley en partenariat avec la CNAVAG2R LA MONDIALE et Happy Visio). Pour des séniors plutôt technophiles et souvent impliqués dans des associations, cela est plutôt révélateur et surtout alarmant pour les autres séniors, moins connectés dont la participation sociale est moindre. C’est là bien sûr que tous nos efforts doivent se concentrer, maintenant mais aussi pour la suite : l’accessibilité numérique pour toutes et tous.

Voir aussi : le baromètre Silver Valley du moral des séniors du 20 avril, publié par Pleine Vie, avec AG2R La Mondiale et Happy Visio (2ème infographie en fin d’article).

Les dispositifs 100% numériques et accessibles sont-ils un atout pour lutter contre l’isolement en période de confinement ?

Oui, tout à fait ! D’aucuns nous disent souvent que les séniors sont par nature isolés sur le plan du numérique. Mais ce n’est pas tout à fait exact. Les études menées chez Silver Valley depuis plus de deux ans sur des échantillons représentatifs (voir « Générations Séniors ») montrent que 84% des séniors de plus de 60 ans ont accès à internet grâce à une box. Attention, cela ne veut pas dire qu’ils sont utilisateurs experts, mais ils ont pour la plupart les moyens d’accéder à Internet. Et le confinement les incite à renforcer leurs compétences numériques. On ne compte plus les tutoriels pour utiliser Skype, WhatsApp ou encore Messenger sur les réseaux. Les séniors sont aussi des grands utilisateurs d’e-mails à titre privé. En outre, la génération « montante » des grands séniors de demain (autrement dit, les boomers qui ont entre 65 et 75 ans) sont des personnes qui ont toujours été confrontées au progrès technologique. Ils ont toujours su s’adapter aux innovations. Il n’y a pas de raison pour qu’ils ne continuent pas dès lors qu’ils en ont les moyens financiers et cognitifs.

Toutefois nous devons être très vigilants à ne pas promouvoir constamment le « tout numérique » pour les séniors car, comme le soulignent les Petits Frères des Pauvres, 4 millions des personnes de plus de 60 ans et plus n’utilisent jamais internet. Il faut donc les y amener quand cela est possible ou trouver d’autres moyens de communiquer avec eux et les aider à sortir de l’isolement. A ce titre, le renforcement du numéro vert national d’écoute, de soutien et d’orientation (09 70 28 30 00) pour les personnes fragiles préconisé dans le rapport Guedj-Véran est une très bonne chose.

Vous avez publié en 2019 l’ouvrage Construire la société de la longévité (éditions Eyrolles). Quelles évolutions vous semblent prioritaires aujourd’hui ?

Il est vrai que la crise du Covid-19 est en train de chambouler nos représentations de la fragilité et plus largement de la longévité. Les séniors interrogés ont conscience qu’ils seront plus que jamais une population cible pour la stigmatisation. Considérés comme la population la plus en danger, ils risquent non seulement de contaminer les autres mais plus largement d’être mis au ban, encore davantage qu’avant Covid-19. C’est une forte crainte dont ils nous ont fait part lors de notre Open Lab en ligne le 26 mars 2020. Nous devons donc continuer notre lutte commune au sein de la filière contre l’âgisme, cette discrimination pernicieuse qui exclut les personnes qui avancent en âge et empêche la construction positive de cette société de la longévité dont je parle dans mon essai.

Par ailleurs, la crise du Covid-19 remet la puissance de l’Etat et sa capacité d’intervention sur le devant de la scène. On voit bien à quel point le législateur a le pouvoir d’ériger en peu de temps de nouvelles normes et de ré-orienter l’économie. Il semble que cet aspect soit finalement plutôt une bonne nouvelle pour les capacités futures à bâtir des politiques sociales viables et pérennes, notamment pour le grand âge, l’inclusion et l’autonomie.

Enfin, en tant que Directeur général du premier cluster européen d’innovation au service de la longévité, je dirais qu’on assiste actuellement à la fin d’un capitalisme mondialisé, bâti sur la révolution industrielle du XIXème siècle et à la naissance d’un véritable capitalisme digital. La révolution numérique est donc accélérée par cette crise sanitaire. Notre mission maintenant est de faire de l’inclusion numérique notre cheval de bataille pour que les personnes avançant en âge ne soient pas exclues une seconde fois des grandes révolutions contemporaines.

Infographie : les séniors autonomes à domicile et le confinement

Infographie : le moral des séniors