Les métiers du soin et ceux de l’accompagnement sont complémentaires et indissociables.

*https://nexem.fr/ — **https://www.fisaf.asso.fr/

Nexem est la première organisation professionnelle du champ sanitaire, social et médico-social à but non lucratif. Profondément ancrée dans l’économie sociale et solidaire, Nexem regroupe plus de 2300 associations et fondations qui gèrent près de 11000 établissements et services de proximité sur l’ensemble du territoire national. Les adhérents de Nexem emploient plus de 310 000 professionnels au service de l’accompagnement des personnes les plus fragiles : personnes handicapées, personnes en situation d’exclusion sociale, enfants en difficulté, personnes âgées en perte d’autonomie etc.

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur les personnes fragiles, les établissements et services et sur les salariés ?

La crise sanitaire et les mesures prises pour y faire face ont eu un impact considérable sur chacun d’entre nous : confinement, adoption de comportements préventifs, gestes barrières, distanciation physique mais aussi impact psychologique, inquiétudes, peurs, sentiment d’abandon pour les plus isolés, pertes de repères, rupture de soins …

Essayons de nous mettre quelques instants dans la peau des personnes que nous accompagnons dans nos établissements et services et qui se retrouvent confrontées à une telle situation : l’impact négatif est multiplié et, chacun, en fonction de sa spécificité et de sa situation particulière, peut se sentir encore plus fragilisé et démuni.

Les professionnels de l’accompagnement ont dû s’adapter à cette situation nouvelle en rassurant, en informant sur le risque épidémique, en formant aux gestes barrières, en accompagnant ceux qui étaient atteints par le virus, tout en s’adaptant, et c’est essentiel, à la singularité de chaque personne et à sa réaction face au risque de maladie. 

Ce changement d’approche, quand il a été possible, a fait voler en éclats beaucoup de repères habituels.

Ce qui est devenu central, ce n’est plus l’établissement avec ses horaires, ses contraintes, ses jours de présence mais c’est la personne avec ses particularités sociales et familiales ; c’est l’établissement qui s’est adapté pour permettre la complémentarité, adaptée à la situation, entre le domicile et l’accueil collectif, pour permettre le répit pour les familles ayant repris leurs enfants au domicile, pour maintenir le lien social malgré les contraintes de distanciation. Ce sont les professionnels qui ont modifié leur lieu de travail et leurs relations avec les personnes, qui travaillaient, avant, au sein des établissements et qui depuis accompagnent les personnes à leur domicile et apprennent à connaître leurs familles et leur environnement social et affectif. Ce sont les établissements d’accueil ou d’hébergement à caractère social qui ont accueilli de nouveaux publics auparavant étrangers à ces structures et qui y trouvent un cadre protecteur et accompagnant.

Ce qu’il faut retenir de cela, c’est la grande capacité d’adaptation des professionnels et des associations qui les emploient.

Une fois de plus, comme c’est le cas depuis plus de 70 ans, les associations et leurs professionnels ont su montrer leurs capacités d’innovation et de réponse aux besoins des personnes fragiles dans un environnement social et sociétal mouvant, avec un seul repère : la dignité et la citoyenneté de ceux qu’ils accompagnent.

Certes, tout ne fut pas parfait, loin s’en faut, mais l’économie sociale et solidaire a fait la démonstration que les valeurs humanistes qui la fondent ont trouvé dans cette crise un terrain d’expression qui est la démonstration de sa pertinence et de sa modernité.

L’enjeu, désormais, dans la somme des changements intervenus, est d’évaluer, de retenir, de pérenniser et de diffuser ce qui s’est fait d’innovant en faveur des personnes, de leur citoyenneté et de leur autonomie.

Comment réagissez-vous à l’attribution d’une prime ?

Nexem a plaidé pour l’attribution d’une prime aux professionnels de l’accompagnement. C’est la reconnaissance du travail considérable d’accompagnement qui a été accompli auprès des plus fragiles d’entre nous.

Les métiers du soin et les métiers de l’accompagnement sont complémentaires et indissociables. La crise du Covid19 en a apporté une fois de plus la démonstration.

Le travail exemplaire des personnels soignants au sein des services de réanimation et de soins intensifs a permis, de justesse, à notre système hospitalier de ne pas craquer. Qu’en aurait-il était si, en amont, les associations accompagnant les personnes fragiles n’avaient pas fait leur travail de prévention, d’éducation et de protection face au risque épidémique, diminuant ainsi les flux de patients hospitalisés ?

La prime marque donc une juste reconnaissance des professionnels du secteur et sur le fond, elle symbolise l’égale reconnaissance des métiers de l’accompagnement et de la prévention avec les métiers du soin. Le care est considéré comme aussi important que le cure.

Mais, au-delà de la prime, il faut aller plus loin et ouvrir désormais le chantier de la revalorisation des métiers de l’accompagnement. Nexem, avec d’autres organisations employeurs du secteur, souhaite que les travaux entamés, suivant la volonté du Président de la République et du Premier ministre, sur la revalorisation du statut des soignants du secteur public, soient élargis aux métiers de l’accompagnement principalement exercés dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Nous y sommes prêts, nous le souhaitons, dans l’intérêt d’une société qui doit montrer que les métiers de « l’humain », de l’éducation, de l’accompagnement, de la prévention sont essentiels pour un monde plus juste et en meilleure santé.

Quelles priorités et propositions portez-vous en matière de politiques publiques, pour le grand âge et le handicap ?

Notre système actuel se caractérise par de profondes inégalités de services, de prestations et de financement suivant les territoires, pour des publics confrontés aux mêmes situations et ayant des besoins comparables. Rappelons simplement un chiffre qui résume et symbolise la situation : le rapport, entre le niveau de PCH et d’APA, varie entre les départements les moins bien lotis et ceux les mieux dotés, de 1 à 1,4. Cette situation est le résultat de notre histoire et des conditions de solvabilisation des politiques en faveur des plus démunis et fragiles. Beaucoup d’acteurs sont intervenus et interviennent encore : collectivités territoriales (communes et départements), services déconcentrés de l’Etat, administrations centrales, ministères et agences nationales. Leurs interventions sont de qualité et leur légitimité est incontestable, fondées sur des logiques d’aide sociale.

Mais la société française d’aujourd’hui a besoin que les plus fragiles, ceux qui sont en situation d’exclusion ou de risque d’exclusion, soit près de 15% de la population, puissent bénéficier d’un système universel qui accorde à tous, sur l’ensemble du territoire national, les mêmes droits effectifs et les mêmes prestations adaptées à leurs besoins et à leurs projets de vie. Il s’agit d’une réforme systémique. Elle passe par la création d’une 5ème branche de protection sociale couvrant le risque de la perte d’autonomie.