Jean-Pierre Ogus, Président de Simplifions.services

Développer de nouvelles formes de prise en charge à domicile en repensant les échanges entre les acteurs médicaux et sociaux.

Simplifions.services a développé depuis deux ans un dispositif d’accompagnement des personnes lors d’une hospitalisation. Le dispositif est issu de la sécurisation de l’hospitalisation de plus de 6000 personnes. Il repose sur un système de gestion des échanges entre la médecine hospitalière et la médecine de ville, renforcé par une plateforme gérée par des internes en dernière année de formation à la médecine de ville et par un accord avec un réseau de spécialistes. Ce dispositif fait aujourd’hui l’objet d’un projet de développement concernant la prise en charge de la dimension sociale comme élément indispensable au retour à une meilleure santé pour les personnes hospitalisées et à un suivi des patients dans le cadre d’une vision 360 intégrant le cadre de vie, l’habitat et le numérique.

Pourquoi faut-il selon vous repenser la prise en charge des patients en sortie d’hospitalisation ?

Le maintien à domicile de personnes fragiles, malades ou en perte d’autonomie nécessite de coordonner des prestations médicales et des services à domicile. C’est d’autant plus vrai après une hospitalisation.

Pourtant, les dispositifs de coordination médicale et sociale ne fonctionnent pas toujours de façon satisfaisante, parce qu’ils sont confrontés à plusieurs dysfonctionnements :

  • Le manque d’information des patients et des aidants sur qui fait quoi et qui finance quoi, avec une confusion entre ce qui relève du médical et du social,
  • L’accès difficile à certains services médicaux, qui fait obstacle au maintien à domicile faute de priorisation,
  • L’isolement social ou géographique et les contraintes pécuniaires,
  • Les barrières organisationnelles qui gênent la gestion des patients pris en charge successivement par un hôpital public et par une clinique privée,
  • La surcharge et le manque de disponibilité de la médecine de ville, confrontée à un accroissement de ses charges administratives,
  • Le non-déplacement à domicile des médecins traitants, qui implique des téléconsultations qui devront être assistées par des IDE (infirmier-es diplômé-es d’Etat) auprès des personnes en difficulté avec le numérique, etc.

Il est donc nécessaire de développer de nouvelles formes de prise en charge des patients à domicile en repensant l’organisation des échanges entre tous les acteurs, médicaux et sociaux, du parcours de vie.

Un dispositif évolutif, fluide et innovant capable de déployer tous les services pourrait reposer sur trois axes :

  1. Gérer, au côté des échanges entre la médecine hospitalière et la médecine de ville, un dispositif de gestion du social ouvert à l’inter-régime et aux collectivités publiques,
  2. Déclencher des études d’évaluation de la fragilité et de définition de services utiles pour optimiser la gestion des emplois dans les départements,
  3. Numériser les échanges entre tous les acteurs et susciter de nouvelles dynamiques de partage entre prestataires médicaux et sociaux.

Comment fonctionnerait cette nouvelle organisation de la prise en charge des patients à domicile ?

Tout part de la constitution du dossier personnel du patient permettant, avec son accord, de gérer les données médicales et sociales indispensables à un maintien à domicile relevant d’un dispositif à 360 degrés.

Puis la mise en place d’un dispositif d’échange entre le médical et le social permettra de traduire tous les événements du parcours de vie des personnes fragiles en une proposition d’action transmise vers un intervenant désigné du médical ou du social.

Enfin, un suivi va associer à chaque évènement le type d’action proposée, le nom du porteur de service et l’identification du financement.

Il s’agit de faire cohabiter une organisation de type supply chain pour les échanges entre la médecine hospitalière et la médecine de ville et une organisation de type place de marché pour les échanges entre tous les financeurs du social.

Il est essentiel de faire du social le complément indispensable du médical. Dans cette organisation nouvelle, la coordination est ouverte à des acteurs non médicaux.

Les bénéfices d’une telle organisation du soutien à domicile seraient nombreux :

  • Meilleur accès des personnes fragiles à l’information sur les services et aux droits qui permettent leur financement (ARDH, bailleurs, financements légaux, extra légaux et privés),
  • Soutien aux médecins traitants dans le suivi des programmes de soins pour éviter les ré-hospitalisations à 7 et 30 jours,
  • Implication des infirmier-es dans un dispositif à domicile partagé avec le médecin traitant opérant depuis son cabinet,
  • Gestion des alertes entre les médecins traitants et les assistantes sociales sur l’environnement social du patient et son impact sur le retour à meilleure santé,
  • Gestion des financements sociaux par un guichet unique,
  • Émergence de nouveaux services à domicile intégrant l’accompagnement humain,
  • Mise à disposition de tous les acteurs d’un outil de mesure et de suivi des services.

Exemple : sortie d’hospitalisation d’un salarié atteint du COVID 19.

Il est possible d’assurer la sortie d’hospitalisation de manière à maîtriser les suites de la pandémie. On met en place avec le médecin traitant les services à domicile post-hospitalisation adaptés aux contraintes respiratoires de la personne. On informe l’ensemble des services sociaux de l’hôpital, l’Assurance Maladie et le CCAS des dispositions qui doivent être prises et on suit les réponses des financeurs publics et privés des services à domicile.

Ce type d’exemple peut être relayé demain dans les accords de branche avec un contrat d’accompagnement des hospitalisations permettant de sécuriser le retour à domicile du salarié et de le financer, par exemple, au titre du 2% lié au degré élevé de solidarité.

A quelles conditions et par qui la réorganisation de la prise en charge des patients à domicile que vous préconisez peut-elle être menée à bien ?

La mise en en œuvre d’une telle organisation va permettre de tester les innovations, d’en mesurer l’acceptation par chaque acteur et de certifier le passage à un dispositif pérenne au fur et à mesure des innovations.

Pour cela, il faut pouvoir réunir tous les acteurs impliqués dans le retour à domicile après hospitalisation et mieux accompagner le maintien à domicile des patients durant leur convalescence.

Le problème prioritaire n’est pas d’ordre technologique car de nombreuses possibilités existent déjà dans ce domaine :

  • Utiliser les bases annuaires des patients et des intervenants médicaux et sociaux,
  • Décrire les workflows concernant la gestion des alertes définis avec tous les acteurs impliqués,
  • Préciser les données sociales utiles pour un suivi à 360 degrés,
  • Définir les API (interfaces de programmation applicatives) indispensables aux échanges de données entre tous les partenaires du projet d’une part, les patients et leurs aidants d’autre part.

Le véritable enjeu réside dans la mobilisation des acteurs concernés, qui doivent comprendre les bénéfices de cette nouvelle organisation, se l’approprier et en être de véritable acteurs. Cela concerne les médecins, qui font face à un système qui ne gère pas toujours bien les priorités de santé, des prestataires sociaux qui doivent répondre en temps réel aux questions des patients et des financeurs, dont les services sont parfois déconnectés des besoins.

C’est pourquoi le passage par l’expérimentation et la mise en place d’un dispositif pérenne de suivi nécessite l’intervention d’une autorité publique. En effet, une telle organisation relève d’une régulation publique afin de couvrir tous les territoires de santé et de répondre aux attentes de tous les patients.