Il faut renforcer la position du pharmacien comme acteur structurant du système de soins primaires autour du patient.

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Quel est le rôle du pharmacien d’officine dans cette crise sanitaire et comment s’est-il adapté aux contraintes associées ?

La crise du COVID 19 a grandement contribué au renforcement du rôle du pharmacien d’officine dans le maintien et la continuité des soins. Cela s’est traduit de manière très concrète en dérogeant aux règles établies jusqu’à présent, à travers le développement de la dispensation de médicaments aux patients stables dont l’ordonnance avait expiré. Ce dispositif a notamment permis d’apaiser l’angoisse exprimée par une part importante de patients âgés ou souffrant d’une pathologie chronique, qui craignaient de ne pas avoir accès à leur traitement. En parallèle, nous n’avons pas constaté de surconsommation de médicaments, ou à l’inverse de sous-consommation, pendant cette période, ce fonctionnement n’ayant pas entrainé un effet d’aubaine via le stockage inapproprié de médicaments par les patients.

Au quotidien, nous avons progressivement mis en place un certain nombre de mesures. Nous nous sommes rapidement équipés de masques, avons installé des plexiglas sur les postes de travail. Le nombre de personnes dans la pharmacie a été limité de manière à respecter la distanciation sociale. Le déploiement de ces dispositifs par les pharmaciens, professionnels de santé de proximité reconnus sur le territoire, a eu pour effet de contribuer à la prise de conscience par la population de l’importance de la crise, et par là-même l’adoption des bons réflexes.

La dispensation à domicile s’est également considérablement développée pendant la période du confinement, en priorité au bénéfice des patients âgés ou dont l’état de santé ne permettait pas de se déplacer.

Nous avons également repris la préparation de solutions hydroalcooliques en parallèle de la vente de gels hydroalcooliques, pour faire face à une demande croissante.

La nécessaire adaptation de notre organisation de travail a impacté de manière non négligeable les équipes officinales, en première ligne face aux patients susceptibles d’être porteurs du Covid. Pour limiter les répercussions sur le personnel, nous avons modifié leur rythme de travail, en opérant un roulement des effectifs, de manière à ce que les professionnels ne travaillent pas une semaine complète. Enfin, certaines pharmacies, en particulier celles situées dans des zones essentiellement occupées par des bureaux ou des commerces fermés, ont réduit leurs horaires.

Du fait de son action, pensez-vous que le pharmacien est conforté dans son rôle d’acteur santé de premier recours ?

Très clairement. Le renouvellement des ordonnances ou encore la gestion des stupéfiants, avec les implications que cela comporte, constituent une importante marque de confiance accordée à notre profession. Ce constat est renforcé par la reconnaissance témoignée par les patients.

Dans un contexte de tension au niveau de la démographie médicale, la crise du Covid risque de contribuer au départ à la retraite prématuré de certains médecins généralistes et par conséquent aggraver les problématiques de manque de médecins, alors même que les besoins de santé des patients, vieillissants, tendent à s’accroitre.

Dans ce cadre, la prise en charge des patients, plus encore ceux en situation de handicap ou de perte d’autonomie, doit être assurée par une équipe pluridisciplinaire, associant le médecin, le pharmacien, l’infirmier et d’autres professionnels le cas échéant. Le médecin assure la mise en place du protocole de soins, et confie la surveillance du patient au pharmacien et l’infirmier si nécessaire.

La réorganisation du système de soins passe donc nécessairement par le renforcement du parcours de soins, dans lequel s’inscrit le pharmacien correspondant.

Concrètement, le renouvellement des ordonnances, mis en place pendant cette crise sanitaire, doit être poursuivi en respectant un certain cadre et uniquement lorsque le patient est stable.

Une réflexion analogue doit également être menée concernant les soins non programmés. L’autorisation des pharmaciens à prendre en charge ce type de patients contribuerait à soulager les services d’urgences et les cabinets médicaux. Le patient doit pouvoir s’orienter vers son pharmacien sans que l’absence de prescription n’entraine une pénalité financière par l’absence de prise en charge.

La crise du Covid a également permis de repositionner le rôle du pharmacien en matière de prévention et de dépistage. Depuis l’autorisation accordée aux pharmaciens d’assurer la vaccination contre la grippe en 2019, une augmentation de 8% a été enregistrée par rapport aux années précédentes. Cette autorisation pourrait être étendue à d’autres vaccins.

De la même manière, alors que les campagnes de prévention contre le cancer colorectal se sont multipliées au cours des vingt dernières années, seuls 30% de patients ont été dépistés. Ce dépistage a récemment été ouvert au réseau pharmaceutique en Corse, et 600 dépistages ont été enregistrés en seulement 4 mois, ce qui témoigne des avantages que comporterait le renforcement du rôle du pharmacien dans ce domaine.

Quelles actions spécifiques les pharmaciens ont-ils mis en œuvre à destination des séniors ? Quels services sont à inventer ou à amplifier en faveur de cette patientèle ?

La dispensation à domicile a grandement contribué à assurer la continuité des soins pour les personnes âgées. Nous sommes également intervenus en EHPAD, notamment sur l’accompagnement en fin de vie, en appui des équipes de soins déjà très éprouvées.

Plus généralement, on constate que la mauvaise gestion des médicaments par un patient âgé marque généralement le début de la perte d’autonomie. Or, les pharmacies d’officine pourraient agir en prévention de cette problématique, en développant un service permettant d’améliorer l’observance des traitements et la sécurisation de la prise de médicaments. Cet accompagnement pourrait également être assuré par un infirmier s’il est déjà intégré dans la prise en charge à domicile. Cela contribuerait à maintenir les personnes âgées à domicile et ne pas précipiter leur transfert vers un établissement pour séniors, avec les implications financières que cela comporte. Ce dispositif doit néanmoins être organisé, en envisageant une prise en charge dans les contrats « lutte contre la perte d’autonomie ».