75% des personnes vivant avec un handicap n’ont pas de médecin de référence.

*https://www.handidactique.org/

Le parcours de Pascal Jacob : A la retraite depuis 2008, Pascal Jacob consacre son temps à l’aide aux personnes handicapées, dans trois grands domaines : la recherche, la création de centres de vie et la formation. Président de l’association Handidactique, administrateur de la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap (FIRAH) et de la Fédération hospitalière de France (FHF), il travaille à l’amélioration de la qualité de vie des personnes en situation de handicap. Parent de deux enfants handicapés, il s’est notamment consacré à la création de haltes-garderie et, en Seine-et-Marne, d’un centre de vie pour adultes, ainsi qu’à la création du premier centre d’accueil et d’intégration scolaire de la Ville de Paris. En 2012 et en 2013, il est l’auteur de deux rapports au gouvernement sur l’accès aux soins des personnes vivant avec un handicap. En 2016, il publie chez Dunod Il n’y a pas de citoyens inutiles et, en 2018, Liberté Égalité Autonomie. Handicap : pour en finir avec l’exclusion chez le même éditeur.

Pouvez-vous nous présenter l’association Handidactique et le baromètre Handifaction ?

Handidactique est une association qui a pour vocation première de donner la parole aux personnes vivant avec un handicap, et de reconnaître en elles des experts de leur propre handicap et de l’expérience de vivre avec.

Handidactique est à l’origine de la Charte Romain Jacob, charte pour l’accès aux soins des personnes en situation de handicap en France. Cette charte, élaborée avec les personnes vivant avec un handicap, a été signée en 2014 par 7444 personnes, toutes les régions de France, le Premier Ministre et le Président de la République. Ces dernières ont aussi souhaité procéder à son évaluation pratique. C’est cette démarche d’évaluation qui est à l’origine du baromètre Handifaction en 2015.

Le questionnaire Handifaction été conçu pour savoir si les personnes vivant avec un handicap ont bien été soignées au cours des deux derniers mois. Toutes les personnes vivant avec un handicap qui le souhaitent peuvent faire part de leur opinion en remplissant ce questionnaire sur le site internet d’Handifaction.

Cet outil appartient en premier lieu aux personnes vivant un handicap. C’est un outil réalisé par elles et pour elles. C’est l’ADN de cette enquête. Handifaction, c’est à ce jour 75 000 questionnaires reçus. Ce résultat est le fruit de rencontres, de dialogues et d’explications de « proximité » effectués auprès des personnes vivant avec un handicap. 

L’enquête périodique Handifaction a évolué pour mesurer l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur l’accès aux soins des personnes vivant avec un handicap. Quels en sont les premiers enseignements ?

Effectivement, dès le début de l’épidémie, nous avons inséré dans notre questionnaire des questions permettant de mesurer l’impact du Covid-19 sur l’accès aux soins des personnes vivant avec un handicap.

Que pouvons-nous retenir de cette période ?

Un des premiers enseignements touche directement l’accès aux soins. En effet, les gestes barrières et la mobilisation des soignants imposés par le coronavirus ont engendré une sensible baisse de l’accès aux soins des personnes vivant avec un handicap, avec un taux de personnes soignées qui est passé de 56% à 40%.

 Le deuxième enseignement touche le parcours de soin. Nous avons constaté que les personnes vivant avec un handicap qui avaient l’habitude d’aller à l’hôpital pour trouver des soins (fréquentation des personnes vivant avec un handicap à hauteur de 41%) se sont retrouvées confrontées au ralentissement drastique d’accueil des services hospitaliers, en dehors des besoins du coronavirus. La fréquentation des hôpitaux par les personnes vivant avec un handicap a chuté et s’est située durant le confinement à moins de 20%.

Nous avons malheureusement constaté que les abandons de soins non liés au coronavirus (hors nouvelle maladie) ont augmenté de 60% pendant cette période.

Quelques chiffres illustrent la difficulté rencontrée pendant la crise sanitaire par les personnes vivant avec un handicap :

– Les soins de rééducation représentent 80% des abandons de soins

– Les soins des yeux représentent 72,5% des abandons de soins

– Les soins psychologiques ou psychiatriques représentent 65% des abandons de soins

Mais cette période marquée par une difficulté d’accéder aux lieux de soins a aussi été l’occasion de voir des pratiques se développer. La télémédecine et la médecine à distance ont représenté 13% des soins durant la période de confinement.

On constate à travers le baromètre handifaction que la télémédecine a été pratiquée pendant cette période par :

– les généralistes (80%)

– les psychiatres (10%)

– les kinésithérapeutes (5%)

– les autres spécialités (5%).

Vous avez également réalisé en mars et avril 2020 un Baromètre auprès des médecins généralistes sur les besoins en soin de proximité des personnes en situation de handicap. Quels sont les principaux résultats ?

Après analyse des résultats issus de l’enquête Handifaction, nous avons constaté que les lieux de soin de proximité sont principalement le cabinet des médecins généralistes en ville et les soins à domicile. On a remarqué aussi que l’activité des généralistes au service des établissements médico-sociaux a énormément progressé (+ 37%). L’activité principale est portée dans ces lieux par des médecins généralistes déjà très chargés avant l’arrivée du coronavirus.

 Nous avons mesuré, grâce au baromètre auprès des médecins généralistes, une nette progression de leur activité pour les personnes vivant avec un handicap de plus de 50%. La réduction de demande de soins des personnes non handicapées (hors coronavirus) auprès de leur généraliste a favorisé leur disponibilité, pour répondre à la demande des personnes vivant avec un handicap.

Le baromètre montre aussi que les trois quarts des personnes vivant avec un handicap n’ont pas de médecin de référence, alors que leur sollicitation d’un médecin a quasiment quadruplé durant le confinement. L’absence de médecin référent pour 75% des personnes vivant avec un handicap est un facteur majeur de recours aux urgences et au 115, alors que la présence d’un médecin référent diminue considérablement ce recours.