Avancée en âge, proches aidants : que nous enseigne la crise sanitaire du Covid-19 ?

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Quels sont vos principaux conseils aux seniors qui vivent à domicile pendant le confinement ? Que pensez-vous de l’autorisation des visites en Ehpad, rétablie depuis le 20 avril ?

Je donnerai les même conseils qu’à tous les citoyens, quel que soit leur âge : poursuivre ses projets, rester curieux, continuer d’apprendre, garder les liens, préserver sa santé, envisager l’avenir en s’informant sur les pistes de solutions possibles. Sur Agevillage.com nous invitons à réfléchir aux ressources financières pour le logement de demain, aux services à financer. Nous invitons chacun à rédiger, avec son conseil de famille, son mandat de protection future, ses directives anticipées et à désigner sa personne de confiance.

Parce que nous sommes des êtres de relation, c’est mal connaître les personnes qui vivent en Ehpad que de leur imposer un confinement brutal et sans nuance. Il faut l’adapter, tout en protégeant du Covid-19 les personnes fragiles et les personnels qui y travaillent (voir l’avis du CCNE du 30 mars 2020). Ces professionnels très engagés ont déployé de multiples stratégies pour garder les liens avec les proches (téléphone, courriers, dessins, télé-visites en visio). Tous ont milité pour une réouverture des structures aux visites ajustées, autant pour la qualité de vie des plus âgés que celle de leurs proches.

Cette crise sanitaire nous le rappelle aussi : la vie passe avant la santé. 

Comment maintenir le lien et le soutien psychologique avec les séniors ?

Comme avec tout un chacun, on va s’adapter au caractère, à l’histoire, aux particularités de chaque personne (selon qu’elle voit, entend, comprend plus ou moins bien). On va aussi devoir s’adapter aux ressources du territoire, à leur niveau de connexion car la fracture numérique touche certaines zones blanches, en Ehpad aussi.

Certaines personnes sauront très bien utiliser le téléphone, les moyens de visio, d’autres auront besoin d’aide, voire d’un médiateur formé, d’un voisin, d’un animateur du territoire, comme ces jeunes en service civique qui interviennent autant aux domiciles qu’en établissements d’accueil.

On va s’appuyer sur les projets petits et grands actuels et à venir et on va laisser de côté le flux d’actualités anxiogènes pour nous concentrer sur les plaisirs de la vie.

Se faire un programme de la journée, avec ses activités préférées, ses temps d’échanges, les repas permet de maintenir un rythme et de mieux se projeter jour après jour.

Parfois, les émotions sont trop fortes, la situation est trop pesante : il vaut mieux en parler à des plateformes d’aide et de soutien psychologique, ouvertes gratuitement pendant la crise. La Croix Rouge a ouvert un numéro unique, le 09 70 28 30 00, ouvert 7 jours sur 7, de 8h à 20h. Ces plateformes savent aussi écouter la souffrance, les colères des proches aidants (qui sont souvent des séniors). Les écoutants savent orienter vers les ressources locales pour éviter que la pression ne soit trop forte, que l’aidant ne s’épuise et que la situation ne s’envenime.

Quels enseignements pourrions-nous tirer de la crise sanitaire liée au Covid-19 dans notre rapport aux séniors et aux fragilités en général ?

La crise sanitaire met en lumière les faiblesses de notre société face aux enjeux du vieillissement. Nous restons pétrifiés face à l’idée de vieillir, de mourir. L’âgisme, ces discriminations liées à l’âge, ne nous choquent même plus. Nous n’anticipons pas suffisamment, individuellement et collectivement, les réalités possibles du vieillissement.

Cette crise révèle encore une fois les manques de moyens, de personnels formés, compétents, en nombre suffisant tant aux domiciles qu’en établissements d’accueils dits médicalisés. Les inégalités sont criantes sur les territoires : à quand le déploiement du label de l’OMS pour des « Villes Amies des Aînés » ?

Nous n’admettons pas encore qu’au même titre que la pédiatrie, la gériatrie sur le volet médical et la gérontologie sur le volet social sont des spécialités à part entière pour accompagner et prendre soin des réalités de plus en plus complexes : de la prévention du bien vieillir à l’accompagnement des pathologies complexes (aux troubles du comportement parfois sévères), aux situations de fin de vie, avec les risques d’épuisement des proches aidants.

Or nous savons que l’on peut vieillir debout, jusqu’au bout, aujourd’hui. Et ce même avec une maladie neurodégénérative – disons plutôt neuro-évolutive. Ainsi le Label Humanitude, 1er label de bientraitance, remis à 28 Ehpad publics, privés, associatifs, témoigne-t-il de cette qualité possible, qui rassure les plus âgés, les proches aidants comme les pouvoirs publics et les élus.

Et c’est rentable, car cette démarche au long cours améliore la qualité de vie des plus âgés (moins de médicaments, d’hospitalisations) et la qualité de vie au travail des professionnels (moins d’accidents dans un secteur plus accidentogène que le BTP – bâtiment et travaux publics).

Encore faut-il financer ces approches, ces professionnels, ces métiers.

La crise sanitaire du Covid-19 poussera peut-être enfin ce gouvernement à promulguer une vraie loi Grand Age, financée, pour à la fois solvabiliser la compensation des situations de handicap mais aussi simplifier la gouvernance des services plus visibles, lisibles, coordonnés, labellisés ?