Le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé le 7 mars, dans une interview conjointe à La Croix et à Libération, qu’un projet de loi comprenant une « aide à mourir » encadrée serait présenté en conseil des ministres au mois d’avril 2024. Le texte, qui doit aussi renforcer les soins palliatifs, sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 27 mai.

Extrait de l’interview d’Emmanuel Macron dans La Croix et Libération, publiée le 10 mars 2024. Par Laure Equy, Nathalie Raulin (Libération), Antoine d’Abbundo et Corinne Laurent (La Croix) :

Libération – La Croix : Le projet de loi sur la fin de vie va-t-il ouvrir l’accès à l’aide active à mourir et sous quelle forme : euthanasie ou suicide assisté ?

Emmanuel Macron : Les mots ont de l’importance et il faut essayer de bien nommer le réel sans créer d’ambiguïtés. Cette loi, nous l’avons pensée comme une loi de fraternité, une loi qui concilie l’autonomie de l’individu et la solidarité de la nation. En cela, elle ne crée, à proprement parler, ni un droit nouveau ni une liberté, mais elle trace un chemin qui n’existait pas jusqu’alors et qui ouvre la possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions strictes.

Comment avons-nous procédé pour en arriver là ? Nous nous sommes appuyés sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et sur les travaux de la Convention citoyenne. De manière très pragmatique, nous avons consulté les patients, les familles, les équipes soignantes, la société pour constater que la loi Claeys-Leonetti, qui fixe le cadre légal actuel, avait conduit à beaucoup d’avancées mais ne permettait pas de traiter des situations humainement très difficiles. On peut penser aux cas de patients atteints d’un cancer au stade terminal qui, pour certains, sont obligés d’aller à l’étranger pour être accompagnés. Il fallait donc aller plus loin.

Libération – La Croix : Le texte ne fera donc référence ni à l’euthanasie ni au suicide assisté ?

Le terme que nous avons retenu est celui d’aide à mourir parce qu’il est simple et humain et qu’il définit bien ce dont il s’agit. Le terme d’euthanasie désigne le fait de mettre fin aux jours de quelqu’un, avec ou même sans son consentement, ce qui n’est évidemment pas le cas ici. Ce n’est pas non plus un suicide assisté qui correspond au choix libre et inconditionnel d’une personne de disposer de sa vie. Le nouveau cadre propose un chemin possible, dans une situation déterminée, avec des critères précis, où la décision médicale a son rôle à jouer.

Libération – La Croix : Quelles seront les conditions d’accès à cette aide à mourir ?

Cet accompagnement sera réservé aux personnes majeures, comme la Convention citoyenne l’avait recommandé. Deuxième condition : les personnes devront être capables d’un discernement plein et entier, ce qui signifie que l’on exclut de cette aide à mourir les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer. Ensuite, il faut avoir une maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme. Enfin, le quatrième critère est celui de souffrances – physiques ou psychologiques, les deux vont souvent ensemble – réfractaires, c’est-à-dire que l’on ne peut pas soulager. Si tous ces critères sont réunis, s’ouvre alors la possibilité pour la personne de demander à pouvoir être aidée afin de mourir. Ensuite, il revient à une équipe médicale de décider, collégialement et en transparence, quelle suite elle donne à cette demande.

Libération – La Croix : Vous excluez le terme de suicide assisté, mais si l’équipe médicale accède à la demande, ce sera bien au patient d’effectuer le geste final, le geste létal ?

Je vais vous lire ce qui est écrit dans le projet de loi. «L’administration de la substance létale est effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, à sa demande, soit par une personne volontaire qu’elle désigne lorsque aucune contrainte d’ordre technique n’y fait obstacle, soit par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne.»

Je veux préciser que l’équipe médicale qui examine la demande va non seulement s’assurer que les critères d’accès sont réunis, mais peut aussi demander l’avis de spécialistes et consulter les médecins, psychologues, infirmiers ou aides-soignants qui ont l’habitude d’accompagner la personne. C’est également aux professionnels de santé, si l’aide à mourir est décidée, de définir, dans un dialogue avec le patient, les modalités de sa mise en œuvre. Par exemple, de recommander la présence ou non d’un personnel médical ou le lieu plus approprié, étant entendu qu’aucun n’est exclu, domicile, Ehpad ou établissement de soins.

Libération – La Croix : Vous insistez sur la dimension collégiale de la décision médicale et du dialogue qui se noue avec le patient. Mais que se passe-t-il en cas de désaccord ?

La collégialité ne veut pas dire l’unanimité et le corps médical sait gérer, déontologiquement, les dissensus. J’ai confiance dans la capacité des personnels médicaux et paramédicaux à faire face, avec humanité, à ces situations. Et si le patient juge qu’il n’a pas été entendu, il aura le droit d’aller voir une autre équipe médicale ou de procéder à des recours. De même, les membres de la famille qui peuvent avoir intérêt à agir pourront faire recours à la demande.

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