La prévoyance doit être une priorité
Astrid Panosyan-Bouvet
» La volonté de la Première ministre de confier aux partenaires sociaux le soin de définir l’agenda social en vue de bâtir le nouveau « pacte de la vie au travail» participe résolument d’une méthode constructive pour renouer avec un dialogue social ambitieux. Cet agenda, qui définira les grandes thématiques pour améliorer la vie au travail, est une formidable opportunité de faire avancer des sujets centraux de la vie quotidienne : la couverture prévoyance obligatoire pour tous, nous pouvons l’espérer, pourrait être l’un d’entre eux.
La prévoyance est très mal connue. Elle est pourtant l’assurance qui nous couvre contre les conséquences d’une maladie ou d’un accident entraînant une incapacité temporaire ou permanente de travailler, une invalidité ou un décès. Elle complète le régime de protection obligatoire qui reste limité et que nous surestimons souvent très largement.
Aujourd’hui, 2 actifs sur 10 – salariés, fonctionnaires, indépendants -, parmi lesquels les plus exposés à la pénibilité, ne disposent pas d’une couverture prévoyance. Ils sont donc à risque de se retrouver, avec leurs proches, dans une situation de grande précarité le jour où un accident de la vie surviendrait. A cet égard, 32 % de Français risqueraient de tomber sous le seuil de pauvreté s’ils devaient renoncer à 3 mois de revenus et 9 % déclarent ne pas avoir de proches sur lesquels compter en cas de sérieux pépin. Ce défaut de couverture tient notamment au fait que la souscription à une prévoyance complémentaire collective par les employeurs n’est obligatoire que pour les cadres. Mais aussi à une méconnaissance générale de la prévoyance par les Français qui la confondent souvent avec la complémentaire santé.
En l’absence de couverture collective, pour de nombreux actifs, la solution d’une assurance individuelle est impossible en raison de son coût très élevé. Par exemple, pour une aide à domicile, quand la convention de branche ne rend pas obligatoire la prévoyance collective, une assurance individuelle s’élève en moyenne à 60-70 euros par mois quand son salaire mensuel moyen est de 900 euros. Aussi est-il du devoir de la collectivité d’aider les quelque 2 millions de salariés du secteur privé encore non couverts à se prémunir contre les accidents de la vie, quels que soient leur statut de cadre/non-cadre, leur secteur d’activitéì ou la taille de leur entreprise, grâce à l’instauration de l’obligation pour les employeurs de proposer un contrat de prévoyance collective.
Outre le bénéfice clair pour le salarié, la prévoyance obligatoire pourrait être un attribut fort de l’attractivité de la marque employeur dans un contexte de tensions croissantes sur le recrutement et la fidélisation des équipes. Cette mise en place pourrait être relativement simple en s’inspirant des principes d’application des accords nationaux interprofessionnels (ANI) précédents comme celui de 1947 sur la prévoyance des cadres et celui de 2013 sur la complémentaire santé obligatoire pour tous.
A l’image de l’ANI prévoyance des cadres, les partenaires sociaux pourraient garder le principe d’une cotisation minimale égale à 1,5 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond de la Sécurité sociale. Ils pourraient aussi conserver, sur le modèle de la complémentaire santé pour tous, l’idée d’une prise en charge au moins de moitié par les employeurs du financement de cette couverture pour les non-cadres.
Comme les risques couverts par la prévoyance et la sinistralité varient en fonction des métiers, la branche et l’entreprise – comme pour la complémentaire santé – semblent le lieu de négociation et de décision le plus pertinent pour adapter les couvertures en fonction des spécificités des métiers.
Faire société, c’est aussi faire en sorte que personne ne soit laissé sur le bord du chemin à cause d’un accident de la vie. C’est pourquoi la prévoyance devrait figurer au rang des sujets incontournables de l’agenda social proposé par les partenaires sociaux. «
Astrid Panosyan-Bouvet