ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL

L’Organisation internationale du travail (OIT) est depuis 1946 une agence spécialisée de l’ONU. Sa devise, « Si vis pacem, cole justitiam » (« Si tu veux la paix, cultive la justice »), est gravée dans la pierre de ses locaux à Genève. Le Bureau international du travail (BIT) est le secrétariat permanent et l’organe exécutif de l’OIT à Genève.

La mission de l’OIT est de rassembler gouvernements, employeurs et travailleurs de ses États membres dans le cadre d’une institution tripartite, en vue d’une action commune pour promouvoir les droits au travail, encourager la création d’emplois décents, développer la protection sociale et renforcer le dialogue social dans le domaine du travail.

Histoire

Conférence de Berlin (1890)

A la fin du XIXème siècle, l’Europe est le continent le plus peuplé et le plus industrialisé du monde et étend sa puissance militaire et économique sur tous les continents au travers de ses empires coloniaux.

La première « conférence internationale concernant le règlement du travail dans les établissements industriels et dans les mines » se tient à Berlin du 15 au 29 mars 1890, à l’invitation de l’empereur Guillaume II et avec l’aval du pape Léon XIII, père de la doctrine sociale de l’Eglise.

Elle réunit les « principaux États industriels de l’Europe » (Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède-Norvège, Suisse), à l’exception de la Russie.

La conférence adopte diverses recommandations quant au travail dans les mines, au travail du dimanche et aux conditions d’emploi des enfants, des adolescents et des femmes. Elle préconise que l’exécution de ces mesures soit « surveillée par un nombre suffisant de fonctionnaires spécialement qualifiés, nommés par le gouvernement » et « indépendants des patrons, aussi bien que des ouvriers » (les inspecteurs du travail). Elle invite également les États participants à échanger entre eux les « rapports annuels » de ces fonctionnaires, les « relevés statistiques » et les « prescriptions émises par voie législative ou administrative » dans le domaine du travail.

Office international de Bâle en 1901, prémisses de l’OIT

L’assemblée constitutive de l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs (AIPLT ou APLT) se tient à Bâle les 27 et 28 septembre 1901. Le secrétariat de l’AIPLT est assuré par l’Office international du travail, dont le siège est également fixé à Bâle. L’association vise à réunir les partisans de la protection légale des travailleurs pour promouvoir cette dernière, l’office se présente comme un organisme privé indépendant à caractère scientifique.

C’est à l’initiative de l’AIPLT que sont signées à Berne, le 26 septembre 1906, les deux premières conventions internationales du travail, l’une sur l’interdiction du travail de nuit des femmes dans l’industrie, l’autre sur l’interdiction de l’emploi du phosphore blanc dans l’industrie des allumettes.

Naissance de l’OIT

L’OIT est créée en 1919, à l’occasion de la signature du Traité de Versailles qui met fin à la Première Guerre mondiale. Elle est placée sous l’égide de la toute nouvelle Société des Nations (SDN).

La Constitution de l’OIT est rédigée début 1919 par la Commission du Travail, présidée par Samuel Gompers, directeur de la Fédération américaine du travail (AFL) aux Etats-Unis. Elle est constituée des représentants de neuf pays : Belgique, Cuba, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Pologne, Royaume-Uni et Tchécoslovaquie.

A l’origine de la création de l’OIT se trouvent des considérations d’ordre sécuritaire, humanitaire, politique et économique. Les fondateurs de l’OIT ont mesuré l’importance de la justice sociale pour assurer la paix alors que les travailleurs étaient exploités dans les nations industrielles de l’époque.

L’OIT s’appuie sur une conception nouvelle de la paix et des relations sociales dans le monde industriel. La création de l’OIT repose sur la conviction formulée dans le préambule de sa Constitution « qu’une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ».

En promouvant une vision des relations sociales basée sur le dialogue, le compromis et la régulation sociale par la voie légale, l’OIT propose une alternative à l’internationalisme communiste basé sur une vision marxiste des relations sociales. L’Organisation internationale du travail naît en effet peu après la révolution bolchevique d’octobre 1917 qui proclame la nécessité de la destruction du capitalisme par la révolution prolétarienne mondiale. Elle constitue ainsi une alternative modérée au projet de révolution violente, qui séduit une partie des travailleuses et travailleurs européens épuisés par quatre années de guerre.

Avec la prise de conscience de l’interdépendance économique du monde est apparue la nécessité de coopérer pour offrir des conditions de travail similaires aux travailleurs des pays en concurrence pour les mêmes marchés.

Le processus a abouti à une organisation tripartite, la seule de son espèce, rassemblant des représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs dans ses organes exécutifs.

L’Organisation internationale du travail affronte dès ses origines des problématiques qui sont restées d’actualité tout au long de ses plus de cent ans d’existence : comment adopter les conventions universelles aux conditions du travail local et régional et aux diverses formes du travail ? Quelles conventions adopter pour faire face aux conséquences sociales de la mondialisation économique ? Comment imposer les questions sociales dans la gouvernance économique mondiale ?

Une organisation internationale pour la justice sociale

Unique agence ‘tripartite’ de l’ONU, l’OIT réunit des représentants des gouvernements, employeurs et travailleurs des 187 Etats Membres pour établir des normes internationales, élaborer des politiques et concevoir des programmes au service de tous les hommes et femmes dans le monde.

Disposant de relais dans le monde entier elle promeut la justice sociale, les droits de l’homme et les droits au travail reconnus internationalement, poursuivant ainsi sa mission fondatrice : œuvrer pour la justice sociale qui est indispensable à une paix durable et universelle. Elle œuvre à l’instauration d’un cadre éthique et productif pour une mondialisation équitable et durable.

La Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail affirme les quatre grands principes, adoptés lors de la conférence de 1998, que doivent s’efforcer de mettre en œuvre ses adhérents :

•        La liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective ;

•        L’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire ;

•        L’abolition effective du travail des enfants ;

•        L’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.

En réponse à La crise internationale consécutive à la pandémie de la Covid sévissant depuis 2019, qui a fortement impacté et dégradé le marché international du travail et remis en cause les avancées constatées depuis 1998,  la 110ème session de la conférence internationale du Travail, en juin 2022, a réaffirmé la primauté des quatre grands principes et droits fondamentaux au travail, et amendé la déclaration de 1998 pour introduire un cinquième principe et droit fondamental : un milieu de travail sûr et salubre.

Face à l’iniquité de la répartition des richesses, au non-respect des principes et droits fondamentaux, à la précarité croissante d’une part de la population mondiale soumise au travail informel et ne bénéficiant d’aucune protection, l’OIT a lancé un appel mondial à l’action en vue d’une reprise centrée sur l’humain qui soit inclusive, durable et résiliente pour sortir de la crise consécutive à la pandémie, crise aggravée par les tensions et conflits internationaux et les atteintes à l’environnement.

Une gouvernance singulière

La conférence annuelle

Les grandes orientations de l’Organisation sont établies par la Conférence internationale du Travail, qui se réunit une fois par an en juin à Genève. Cette conférence annuelle rassemble les délégués des gouvernements, des travailleurs et des employeurs des Etats membres de l’OIT.

La Conférence, que l’on désigne souvent comme un parlement international du travail, élabore et adopte les normes internationales du travail ; elle constitue un forum de discussion sur les questions sociales et de travail. Elle adopte également le budget de l’Organisation et élit le Conseil d’administration.

Le conseil d’administration

Constitué de 28 membres gouvernementaux, 14 membres travailleurs et 14 membres employeurs, le bureau est l’organe exécutif de l’Organisation Internationale du Travail. Il se réunit trois fois par an, en mars, en juin et en novembre. Il prend des décisions concernant la politique du BIT, fixe l’ordre du jour de la Conférence internationale du Travail, adopte le programme et le budget de l’Organisation avant sa soumission à la Conférence, et élit le Directeur général.

Le Bureau international du travail (BIT)

Le BIT est le secrétariat permanent de l’Organisation internationale du Travail. Il sert de quartier général à l’ensemble des activités de l’Organisation qu’il met en œuvre sous le contrôle du Conseil d’administration et sous l’autorité du Directeur général.

Le Conseil d’administration et son Bureau (trois membres représentant les Etats, les travailleurs, les employeurs) sont secondés dans leur mission par des commissions tripartites qui couvrent les grands secteurs d’activités. Ils sont également soutenus par des comités d’experts sur des sujets comme la formation professionnelle, la formation à la gestion, la santé et la sécurité au travail, les relations professionnelles, l’éducation ouvrière et les problèmes spécifiques liés aux femmes et jeunes.

Sous la direction du Directeur général, l’OIT compte environ 3 500 fonctionnaires qui travaillent sur ses programmes et activités dans 107 pays répartis dans cinq régions : l’Afrique, l’Amérique du Nord, centrale et du Sud, les États Arabes, l’Asie-Pacifique, l’Europe et l’Asie centrale.

L’OIT, une expertise et une connaissance du monde du travail inégalées

L’aspect normatif

Depuis 1919, l’Organisation internationale du Travail a mis en place et développé un système de normes internationales du travail couvrant toutes les questions liées au travail. Les conventions et les recommandations internationales élaborées par les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs des quatre coins du monde, visent à accroître pour les hommes et les femmes les chances d’obtenir un travail décent et productif, dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité appropriées.

Les normes internationales du travail constituent un système global d’instruments relatifs au travail et à la politique sociale, étayé par un système de contrôle permettant d’aborder tous les types de problèmes que soulève leur application à l’échelon national. Les normes internationales du travail constituent la composante juridique de la stratégie qu’a adoptée l’OIT pour gérer la mondialisation, promouvoir le développement durable, éradiquer la pauvreté et faire en sorte que chacun bénéficie de conditions de travail dignes et sûres.

Comment les Normes sont utilisées

Des modèles et des objectifs pour la législation du travail

Les normes internationales du travail sont avant tout des outils pour les gouvernements qui, en consultation avec les employeurs et les travailleurs, cherchent à élaborer et à faire appliquer une législation du travail et une politique sociale dans le respect de normes convenues à l’échelle inter- nationale.

Des sources de droit international appliquées à l’échelon national

Dans de nombreux pays, les traités internationaux ratifiés s’appliquent directement en droit interne. Les instances judiciaires peuvent se prévaloir des normes internationales du travail pour trancher des cas où la législation nationale est inadéquate ou ne dit rien sur le sujet.

Des principes directeurs pour une politique sociale. En plus de donner forme à des législations, les normes internationales du travail peuvent fournir des orientations pour l’élaboration des politiques nationales et locales. Elles peuvent servir à améliorer des structures administratives comme celles de l’administration et de l’inspection du travail, de la sécurité sociale et des services de l’emploi. Elles peuvent servir à la résolution des conflits ou servir de modèles pour l’élaboration de conventions collectives.

Responsabilité sociale des entreprises (RSE)

La Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale dont une version révisée a été adoptée en 2017 par le Conseil d’administration pour répondre aux nouvelles réalités économiques, notamment l’augmentation des investissements internationaux et des échanges commerciaux, et la croissance des chaînes d’approvisionnement mondiales, promeut le respect des droits humains et les pratiques inclusives, responsables et durables sur les lieux de travail.

Autres organisations internationales

Des institutions internationales ont régulièrement recours aux normes internationales du travail dans le cadre de leurs activités. Des rapports sur l’application de ces normes sont régulièrement envoyés aux organes de l’Organisation des Nations Unies chargés des droits humains et à d’autres organismes internationaux. Des institutions financières multilatérales, comme la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement ou encore la Banque africaine de développement (BAD), ont intégré certains aspects des normes du travail dans leur relations clients.

Accords bilatéraux

Un nombre croissant d’accords bilatéraux et multilatéraux de libre-échange, ainsi que d’accords d’intégration économique régionaux, contiennent des dispositions sociales relatives aux droits des travailleurs : 58 accords contenaient de tels dispositifs en juin 2013, contre 21 en 2005 et 4 en 1995.  Les accords font de plus en plus référence aux instruments de l’OIT dans leurs clauses du travail, en particulier à la Déclaration de 1998 et, dans le cas des récents accords de l’Union européenne, aux conventions de l’OIT.

Associations de défense d’intérêts et organisations non gouvernementales

Elles s’appuient sur les normes internationales du travail pour préconiser des changements dans les politiques, la législation ou les pratiques.

Organisations d’employeurs et de travailleurs

Les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs jouent un rôle essentiel dans le système des normes internationales du travail, non seulement en tant qu’utilisateurs, mais en tant que mandants de l’Organisation : elles participent au choix des thèmes des nouvelles normes de l’OIT et à l’élaboration des textes. Lorsqu’une convention est adoptée, les employeurs et les travailleurs peuvent encourager le gouvernement à la ratifier.

Les thèmes traités dans les normes

Liberté syndicale, consultations tripartites, négociation collective

Travail forcé, travail des enfants, égalité des chances et de traitement

Sécurité de l’emploi, salaires, temps de travail

Politique de l’emploi, promotion de l’emploi, orientation et formation professionnelle

Politique sociale, sécurité sociale, protection de la maternité, sécurité et santé au travail, VIH/SIDA

Administration du travail, inspection du travail

Travailleurs migrants, Gens de mer, peuples indigènes et tribaux, autres catégories particulières de travailleurs

Partenariats pour le développement

Depuis le début des années 1950, l’OIT assure une coopération technique aux pays de tous les continents et à tous les stades de développement économique. La coopération au développement renforce les capacités techniques, organisationnelles et institutionnelles des mandants de l’OIT pour qu’ils puissent mettre en place une politique sociale cohérente et efficace et assurer un développement durable.

Forte d’une cinquantaine d’années d’expérience dans la coopération pour le développement sur tous les continents et à tous les stades de développement, l’OIT gère aujourd’hui plus de 600 projets et programmes dans une centaine de pays, avec l’appui de 120 partenaires pour le développement.

Les projets sont mis en œuvre dans le cadre d’une coopération étroite entre les pays bénéficiaires, les donateurs et l’OIT qui entretient un réseau de bureaux de pays dans le monde entier.

Les publications et données de l’OIT

L’OIT dispose de sa propre imprimerie, qui lui permet de publier des documents techniques, des résolutions, des rapports, des études, des enquêtes, des travaux de recherche, ceci en de nombreuses langues, outre les trois langues officielles de l’Organisation.

Le site de l’OIT donne accès à des livres et rapports, publications de recherche, documents de travail et de réunion, revues et magazine, reportages, infographies, vidéos, etc.

L’OIT met également en ligne des bases de données statistiques ou informationnelles.

Le Centre international de formation professionnelle de Turin (https://www.itcilo.org)

Fondé en 1964 par l’Organisation internationale du Travail et le gouvernement italien, le Centre offre des programmes d’apprentissage, de partage des connaissances et de renforcement des capacités institutionnelles aux gouvernements, aux organisations de travailleurs et d’employeurs et aux autres partenaires de l’OIT. Il est un lieu de rencontre multiculturel où développement de connaissances dans le monde du travail, tripartisme et technologie contribuent à la mise en œuvre des objectifs de développement durable et des normes internationales du travail.

L’Association française pour l’Organisation international du travail (AFOIT)

L’objet de l’AFOIT est de contribuer au rayon­nement de l’OIT en France à travers les objectifs opérationnels suivants :

1. Développer la connaissance de l’OIT, de son histoire, de ses principes, de ses normes, de ses activités et de ses publications dans le public français ou francophone, en particulier parmi les organismes et les per­sonnes intéressés par les problèmes du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle, de la protection sociale, de la gestion et des relations professionnelles ainsi que par les travaux de recherche du BIT.

2. Faciliter les contacts avec le BIT.

3. Favoriser un plus grand intérêt pour l’OlT dans les milieux universitaires, par exemple en suscitant thèses ou mémoires sur l’OIT, ses principes et ses activités ou en organisant des voyages d’études.

4. Organiser des colloques, des séminaires ou d’autres réunions permettant une information et des débats sur les normes, les activités et les perspectives de l’OIT.

5. Favoriser l’échange d’expériences entre ses membres dans le domaine du travail et des relations profes­sionnelles.

6. Entreprendre toute activité renforçant la collaboration entre l’OIT et ses constituants en France.