Le 2 décembre 2022, le LAB OCIRP Autonomie recevait l’économiste Nathalie Chusseau, pour une conférence-débat sur le thème : « Formation tout au long de la vie, emploi des séniors, activités socialisées : comment favoriser l’harmonie entre les générations au sein des entreprises ? ». Compte rendu par Patrick Lelong, journaliste.

Du bon emploi des jeunes et de ceux qui souhaitent le rester

Emplois non pourvus, raréfaction et marginalisation des jeunes générations, exclusion des seniors du marché du travail… Et si l’on transformait la déformation sociale en formation harmonieuse pour tous, la vie durant. Une utopie ? Non, répond Nathalie Chusseau, professeure d’économie à l’Université de Lille, membre de la Chaire TDTE et membre associée du Cercle des Economistes, invitée le 2 décembre dernier sur ce thème par le LAB OCIRP Autonomie. Démonstration.

« Réfléchir pour ne pas fléchir, prendre le temps de la réflexion pour échapper dès que possible à
l’arythmie du quotidien, c’est toute l’ambition du LAB OCIRP » nous dit en introduction Marie-Anne
Montchamp, Directrice générale de l’OCIRP. Et de poser d’emblée à l’oratrice cette question : « Que
va devenir le travail , avec quelles conséquences sociales et générationnelles tant au niveau national qu’au sein des entreprises ?
 ». Toute la démonstration de Nathalie Chasseau va consister non pas à ralentir un train en marche mais plutôt à changer l’aiguillage.

A première vue, la ligne d’horizon s’éclaircit. Au troisième trimestre 2022, le taux d’emploi (rapport entre le nombre de personnes en emploi et le nombre total de personnes) des 15-64 ans atteint 68,3%, son plus haut niveau depuis 1975 nous dit l’INSEE. Et celui des 25/49 ans s’élève à 82% comme chez nos voisins allemands pour une moyenne de 79% dans la zone euro.

« Des chiffres en trompe l’œil », explique Nathalie Chusseau si l’on chausse ses lunettes pour y voir de plus près, « car le taux d’emploi des 15/24 ans n’est en France que de 32,8% (contre 49% en Allemagne et 54% au Danemark). Quant aux « seniors », le taux d’emploi 55/64 ans se situe à 56% en France (contre 72% en Allemagne, 77% en Suède), en dessous de la moyenne des 60,5% de l’Union Européenne. Les difficultés sont particulièrement fortes chez les 60-64 ans, dont le taux d’emploi dans l’hexagone n’est que de 35,5% !

L’économiste diagnostique un problème structurel français s’agissant de l’emploi des deux classes
d’âge extrêmes : les jeunes et les « seniors ».

Même constat si l’on prend en compte le taux de chômage en France : 19% pour les 15/24 ans (le
taux de chômage global étant de 7,3%). Important chez les plus de 50 ans (6%), il culmine à 6,9%
pour les 60/64 ans.

Tout cela conduit à des conséquences dramatiques. « Les jeunes décrocheurs (NEETS) représentent
un coût de 22,2 milliards et une perte de 0,4% de point de croissance et la placardisation de 200 000 salariés – dont une part importante de seniors – coûte la bagatelle de 10 milliards par an… ».
A cela s’ajoutent et ce n’est pas un détail, des coûts directs et indirects, en particulier pour la protection sociale, colonne vertébrale de notre République.

Du vertige des chiffres aux solutions réalistes

Il n’y a pas que les voyages qui forment la jeunesse (ni même les moins jeunes), il y a aussi et surtout la formation à tous âges de la vie, adaptée et étendue pour « rattraper » les décrocheurs, en utilisant le savoir-faire de seniors maintenus en emploi.

Les outils sont là, il faut les affiner et les développer. L’apprentissage avec de l’accompagnement ciblé a montré son utilité (860 000 apprentis en montée en puissance, très rapidement embauchés). Orienter la formation vers les vrais besoins de la transformation économique et écologique pour éviter sa dispersion vers des voies uniquement récréatives est une autre piste. Nathalie Chusseau rappelle à juste titre que souvent, ceux qui bénéficient de la formation sont ceux qui en ont le moins besoin (pour caricaturer, les cadres qui souhaitent apprendre le coréen par exemple, sauf bien sûr s’ils poursuivent un objectif professionnel).

Pour favoriser le maintien en activité, les solutions sont multiples. Soutenir la formation des salariés séniors (qui ont peu accès à la formation), la VAE, l’accès au CPF, le rôle des branches
professionnelles, les activités socialisées dont l’impact est très positif sur la santé mentale, la
satisfaction de vie, l’utilité sociale et le lien intergénérationnel.

Le maintien en emploi des séniors peut passer par le cumul emploi/retraite, le mécénat de compétences (mise à disposition d’une association d’un salarié seniors avec une aide de l’Etat), par le tutorat et le soutien scolaire, le tutorat de proximité pour les 90 000 décrocheurs . Le mentorat en entreprise permet un transfert d’expérience entre séniors et jeunes, en particulier dans les métiers en tension. Enfin, des dispositifs existent pour favoriser le maintien des activités après la retraite, comme la formation VIE (Valorisation Intergénérationnelle pour s’Engager), à partir d’un bilan de compétences. Un label « inclusion des seniors » pourrait aussi être porté par les entreprises vertueuses.

La liste est longue et les solutions existent, martèle Nathalie Chusseau. Alors oui, tous ces dispositifs ont un coût mais ne pas les mettre en place est un coup porté à la cohésion sociale, à la croissance économique et au financement de la protection sociale.
Patrick Lelong, journaliste en perpétuelle formation.

Retenez-nous ! Ou ce qu’il faut retenir
Un coup de jeune : l’origine sociale pèse pour 20% dans les résultats scolaires des jeunes. 90 000 jeunes quittent chaque année l’école sans diplôme en poche. 1 jeune sur 7 n’est ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET), soit 22 milliards d’€ de pertes).
Un coup de vieux : 40% de ceux qui partent à la retraite étaient préalablement inactifs, ce qui représente un gâchis de compétences. Faut-il rappeler qu’en 2030, les plus de 60 ans seront 21 millions ? Alors, aidons Papi à faire de la résistance !
Le lab de l’ocirp 2 décembre 2022

crédit : Philippe Chagnon – Cocktail Santé

Le lab de l’ocirp 2 décembre 2022