La proposition de loi « bien vieillir » à l’Assemblée nationale

Le 23 novembre 2023, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France

Le texte comporte plusieurs volets :

Prévention de la perte d’autonomie et lutte contre l’isolement

Le texte crée :

  • une conférence nationale de l’autonomie chargée du pilotage national de la politique de prévention de la perte d’autonomie ;
  • un service public de l’autonomie à l’échelle des départements pour les personnes âgées et handicapées et les proches aidants, sorte de guichet unique afin de simplifier leur parcours usager. Des conférences territoriales de l’autonomie seront chargées de piloter le dispositif dans les départements. 

Un « référent prévention » (salarié ou bénévole) devra être désigné dans les structures pour personnes âgées ou handicapées (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – Ehpad, maisons de retraite…).

Afin de lutter contre l’isolement social des personnes âgées et mieux les informer, par exemple, en cas de crise sanitaire ou de canicule, les services sociaux et sanitaires pourront accéder aux registres des personnes vulnérables tenus par les mairies. De leur côté, les mairies pourront accéder aux fichiers des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) et des personnes en GIR 5 et 6, avec leur accord.

Pour agir le plus en amont possible dès les premiers signes de la perte d’autonomie des personnes âgées, un amendement vise à systématiser le repérage précoce des fragilités en s’appuyant sur l’outil ICOPE (test réalisable sur une application mobile permettant d’auto-évaluer ses capacités).

Dans le but d’améliorer l’accès aux aides techniques, les députés ont proposé de généraliser le déploiement sur le territoire des équipes locales d’accompagnement sur les aides techniques (EQLAAT), actuellement au nombre de 24.

Un autre amendement a exigé une « loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge » en 2023, qui devra déterminer la trajectoire des finances publiques en matière d’autonomie. Le 22 novembre 2023, la Première ministre a déclaré devant les députés que cette loi pluriannuelle serait adoptée d’ici fin 2024, pour répondre aux enjeux du vieillissement de la population. Un amendement du gouvernement a été présenté en ce sens.

Les députés ont, en outre, demandé au gouvernement la remise de différents rapports, notamment sur la trajectoire financière de la branche autonomie jusqu’en 2030.

Maltraitances et autonomie des personnes vulnérables

La prévention et la lutte contre les maltraitances font l’objet de plusieurs mesures. Les missions de l’action sociale sont élargies à ce domaine. 

Les personnes hébergées en établissement se voient reconnaitre un droit à recevoir la visite de leur famille et de proches et le maintien d’un lien social. Leur accord écrit préalable au contrôle de leur chambre ou appartement devra être recueilli lors de la conclusion de leur contrat de séjour. Ce contrat devra aussi préciser que leur intégrité psychique est assurée par l’établissement. Un comité d’éthique devra être constitué dans toutes les structures. Le rôle de la personne de confiance (parent, proche, médecin traitant) est précisé.

Une nouvelle instance de recueil et de traitement des alertes en cas de maltraitance de personnes vulnérables est instituée au niveau départemental, sous la responsabilité des agences régionales de santé (ARS). Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, dont les missions sont précisées, pourront saisir cette instance de toute situation de maltraitance. Ils devront respecter une charte éthique. 

Un amendement a exigé du gouvernement la remise d’un rapport évaluant le recours aux mesures de contention physique et médicamenteuse dans les Ehpad, qui d’après un rapport publié en 2021 par la Défenseure des droits, seraient nombreuses.

À l’initiative des députés, un mandat de protection future aux fins d’assistance est créé (le mandat pourra évoluer en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de la personne). Pour favoriser le recours à l’habilitation familiale aux fins d’assistance créée en 2019 et en faire une réelle alternative aux mesures de tutelle ou de curatelle, la liste des personnes habilitées à assister ou à représenter un adulte vulnérable est élargie à tout parent ou allié.

Mesures en faveur des aides à domicile

Une carte professionnelle sera délivrée d’ici 2025 aux aides à domicile intervenant auprès des personnes âgées et handicapées, sur le modèle du caducée des médecins. 

Des aides financières annuelles sont créées au profit des départements qui soutiennent les déplacements (en voiture ou en transports en commun) des aides à domicile et favorisent des temps collectifs d’échanges entre professionnels de l’aide à domicile.

Plusieurs amendements ont prévu une expérimentation jusque fin 2027 dans les départements volontaires pour mettre fin à la tarification horaire des services d’autonomie à domicile et la remplacer par une tarification globale.

Régulation des Ehpad et habitat inclusif

Dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement, la proposition de loi supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants. Par ailleurs, les enfants d’un parent condamné pour crime ou agression sexuelle contre l’autre parent seront dispensés d’aide alimentaire. 

De nombreuses dispositions traitent des Ehpad. La participation des élus locaux et des usagers est renforcée au sein de leur conseil de la vie sociale (CVS). Les Ehpad publics autonomes devront coopérer dans le cadre de nouveaux groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux (GTSMS). Le forfait soins des établissements pourra être mobilisé pour financer des actions de prévention de la perte d’autonomie ou de la dénutrition ou encore en faveur de l’activité physique adaptée. Les députés ont proposé de permettre aux résidents des Ehpad d’accueillir leur animal domestique.

À la suite du « scandale Orpéa », un amendement prévoit la mise en place d’une réunion régulière des représentants des autorités et des établissements et services compétents en matière de contrôle des Ehpad. Deux autres mesures visent à ne pas renouveler tacitement les autorisations des Ehpad dont l’évaluation externe ou le contrôle de l’ARS n’a pas été satisfaisant et à renforcer le contrôle des Ehpad privés lucratifs et les sanctions en cas de constat du mauvais état d’entretien d’un immeuble ou de travaux non réalisés. De son côté, le gouvernement a fait voter un amendement pour obliger les Ehpad privés lucratifs à consacrer une partie de leurs bénéfices à l’amélioration de l’hébergement et du bien-être de leurs résidents. Un décret devra préciser cette obligation, qui sera applicable au plus tard en 2025.

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) devra élaborer des référentiels en matière de taux d’encadrement. Les Ehpad devront transmettre tous les ans leur taux d’encadrement à la CNSA, qui rendra ces données publiques sur son site internet. 

Un cahier des charges spécifique aux Ehpad, défini par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et de l’alimentation, précisera la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés.

Les Ehpad privés devront s’inscrire dans le cadre de sociétés à mission, afin de renforcer auprès de ces groupes privés les exigences en termes d’engagements d’intérêt général et d’utilité sociale.

Pour accorder un peu de répit aux proches aidants ou rassurer les personnes âgées vivant seules, l’État pourra instaurer un quota minimal de places réservées à l’accueil de nuit dans les Ehpad, à titre expérimental de 2024 à 2026.

Le gouvernement devra remettre un rapport sur l’opportunité de créer un taux minimal d’encadrement pour les personnels « au chevet » (infirmiers et aides-soignants) pour les personnes âgées.

La proposition de loi contient un dernier volet sur l’habitat inclusif (mode de vie partagé librement choisi par des personnes âgées ou handicapées) : intégration dans le code de la construction et de l’habitat du concept de l’habitat partagé, ajout d’un volet « habitat inclusif » dans les plans départementaux de l’habitat. Le gouvernement devra remettre un rapport sur l’hébergement mixte.

Sources