Retour sur la 1ère table ronde de la grande conférence du Club Landoy pour le Journée nationale des Aidants 2023, animée par Nicolas Senèze (La Croix), avec : Patricia Ardillier (TH Conseil – Semaphores – Groupe Alpha – Humaninnov), Nathalie Chusseai (économiste) et Marie-Anne Montchamp (OCIRP).
Pour Marie-Anne Montchamp, Directrice générale de l’OCIRP, l’aidance est un sujet silencieux, un non-dit. Il y a un véritable besoin d’éclairage sur la question, et un effort collectif à mener. Dans l’entreprise, il peut exister un écart de perception entre les DRH et les salariés aidants, qui n’osent pas parler de leur situation. La nouvelle porosité entre la sphère professionnelle et la vie personnelle est un grand changement, qu’il faut accompagner dans le bon sens pour que, lorsqu’ils assument leur situation d’aidants, les salariés ne reçoivent pas de regards sidérés mais un accompagnement et des conseils. Le dialogue social doit permettre de répondre à deux questions essentielles pour les aidants et les entreprises. La 1ère question est : « Quand je deviens aidant, je fais quoi ? ». Il faut imaginer les réponses, les services, les agencements de réponses qui facilitent la vie des personnes concernées. La seconde question est celle du financement. Parce qu’être aidant, ça coûte. D’abord parce qu’il faut compléter les ressources de la personne qu’on aide, avec un reste à charge qui peut être extrêmement lourd. Ensuite parce que si je dois travailler moins pour aider mon proche, alors ma progression salariale ou même mon niveau de rémunération risquent d’être amoindris par la situation. Les partenaires sociaux sont invités à regarder le sujet en gardant en tête le coût pour l’entreprise. Il faut aller vers des solutions de financement complémentaires à la réponse publique.
Nathalie Chusseau, économiste, souligne que l’aide informelle a été peu étudiée du point de vue des coûts. Un salarié aidant peut-être fatigué mentalement et physiquement, ce qui peut le mener à être absent ou moins efficace. Au niveau macro-économique, cela coûte entre 24 et 31 milliards d’euros par an. Dans une entreprise de 100 salariés, le coût de l’aidance (absentéisme, présentéisme, organisation du travail), cela représente plus de 10% de la masse salariale annuelle. Elle rappelle que seulement 25 % des salariés aidants osent se déclarer comme tel en entreprise (Baromètre OCIRP Salariés aidants 2023), par peur de la manière dont cette information sera reçue. Selon elle, « il faut favoriser un climat de confiance et un accompagnement spécifique par aidant ». « C’est faisable et c’est rentable », d’autant que les compétences de l’aidant sont une richesse pour l’entreprise : empathie, écoute, organisation, coordination d’acteurs multiples, compétences sociales transversales… C’est aussi une démarche de fidélisation des salariés qui se sentent compris et pris en compte.
Patricia Ardillier, Directrice de TH conseil et du pôle IES de SEMAPHORES-GROUPE ALPHA/ Présidente de HUMANINNOV, rappelle que l’âge moyen des aidants est de 45 ans et que toutes les strates de l’entreprise sont concernées, cadres comme non cadres, et que demain nous serons tous aidants. 25 % des plus de 50 ans sont déjà atteints d’une pathologie chronique, un phénomène sociétal qui montre la nécessité d’engager un dialogue social à l’intérieur de l’entreprise, d’en faire un sujet fédérateur à fort impact pour créer une dynamique d’inclusion durable. Le partage d’expériences entre aidants est important pour faire émerger de la solidarité, de l’entraide, de la complicité. Sensibiliser est clef pour aider les aidants à s’identifier et à se déclarer – leur capacité de résilience est immense. Enfin, l’aidance est selon elle un bon véhicule pour relier la médecine du travail, la médecine de ville et celle des hôpitaux, pour une médecine intégrée vers laquelle doit aller l’entreprise.