L’urgence sanitaire actuelle demande aux personnels de santé et médico-sociaux une énorme mobilisation, à laquelle il faut rendre hommage. Mais comment les proches aidants (non professionnels) de personnes en perte d’autonomie, en situation de handicap ou atteintes de maladies chroniques sont-ils impactés?
Cette crise est inédite à bien des égards, et notamment par la manière dont nous la traversons. Les expériences du confinement sont plurielles, plus ou moins bien vécues et dans des conditions très disparates. Pour certains, c’est une occasion de renforcer et de (re)nouer des liens. Pour d’autres, cette crise accentue et exacerbe des inégalités et dysfonctionnements qui étaient déjà existants. Par exemple :
– Quand vous souffrez de mal-logement et que vous habitez un 35 m² à plusieurs, en accompagnant un proche en situation de polyhandicap ou bien un aîné ayant des troubles neurocognitifs et qu’en même temps vous assurez la continuité pédagogique d’un ou plusieurs de vos enfants ;
– Quand vous êtes au lycée et que, les professionnels et aides à domicile ne pouvant plus venir à la même fréquence pour assurer les gestes de soin auprès de votre parent, vous prenez le relais tout en suivant vos cours à distance;
– Quand vous allez vivre chez votre parent en raison de la fermeture de structures d’aide et/ou de la peur d’un éventuel risque de contamination lors de venues au domicile de professionnels médico-sociaux et qu’en même temps vous essayez d’être présent à distance auprès de votre conjoint, vos enfants et de télétravailler ;
– Quand vous ne voyez plus le proche que vous accompagniez, pour éviter tout risque de contamination, et qu’en même temps nous n’avez ni l’équipement ni les moyens de maintenir votre lien au travers des nouvelles technologies, vous faites face à un cumul de facteurs de fragilisation, qui rend d’autant plus difficile à vivre le confinement pour nombre de proches aidants. Et plus particulièrement pour les aidants qui étaient déjà en situation d’épuisement.
Je tiens également à souligner les trésors de résilience, d’inventivité dont font preuve les proches aidants et les structures médico-sociales dans la gestion de cette crise. Il y a de ce que Paul Ricoeur appelait la « solidarité des ébranlés[1] ». Sans ces acteurs du lien, qui œuvrent au quotidien au maintien de notre tissu social, le confinement ne pourrait fonctionner. Leur mobilisation est également à saluer et à valoriser.
[1] Paul Ricœur lors d’un colloque organisé à Naples en 1997, Jan PATOCKA : de la philosophie du monde naturel à la philosophie de l’histoire.
Comment l’Association Française des Aidants se mobilise-t-elle pendant la crise ?
Nous avons adapté notre accompagnement auprès des proches aidants. Quelques exemples concrets.
Nous avons ajusté les réponses aux questions qui nous étaient adressées en rapport avec le confinement : conciliation avec le travail, coordination à distance avec les aides à domicile, etc.
Les témoignages que nous recevons nous disent combien l’accès et la lisibilité de l’information, notamment l’orientation vers des dispositifs d’aide et d’entraide aux niveaux local et national, sont des enjeux majeurs en période de crise. Tout particulièrement, quand il y a surabondance de communications, parfois contradictoires, souvent anxiogènes. Aussi, les équipes se mobilisent pour collecter, synthétiser et partager des informations utiles, fiables, qui sont également mises à disposition sur notre site internet.
Des dispositifs ont également été adaptés dans les territoires grâce à la mobilisation des porteurs de projets. A Royan en Charente-Maritime, en Ile-de-France ou bien encore dans le Gard, des Cafés des Aidants, avec des thématiques relatives au Covid 19, ont été organisés via des outils de vidéo-conférence. Et ce même dans des territoires particulièrement meurtris. Je pense notamment à l’Alsace et au Café des Aidants de Strasbourg, porté par la Mutualité Française Grand Est et le Service Autonomie de la Ville de Strasbourg, qui a proposé plusieurs rendez-vous à distance sur le thème « Ma vie d’aidant avec le Covid 19 ».
Quelles évolutions vous paraissent souhaitables pour mieux soutenir les proches aidants ?
Nous allons prochainement entrer dans une période de déconfinement progressif. Cette phase inédite va appeler de nouvelles adaptations et ajustements de la part des proches aidants. Soyons vigilants à ce moment pour qu’il soit un temps d’exercice de la démocratie sanitaire où l’ensemble des citoyens, dont les aidants, sont associés aux délibérations.
Avec cette crise, l’urgence est d’autant plus prégnante à mettre en œuvre des propositions existantes pour mieux reconnaitre la place et le rôle des proches aidants, l’ensemble des acteurs qui participent au lien social, et ce dans une vision transversale. N’attendons pas que les gens n’en puissent plus pour agir !