L’objectif de la nouvelle Plateforme : décloisonner le patrimoine des données de santé.

*https://www.health-data-hub.fr/ — **https://hevaweb.com/fr

Face à la crise sanitaire du Covid 19, le gouvernement a accéléré la mise en place de la Plateforme des données de santé. Parlez-nous de ce Health Data Hub français.

Fin novembre 2019, un avenant à la convention constitutive du Groupement d’Intérêt Public (GIP) « Institut national des données de santé » (INDS) a été publié au Journal officiel, actant la création du GIP « Plateforme des données de santé« . Il se substitue à l’INDS avec des missions élargies, notamment celle de favoriser l’innovation en santé en mettant à disposition un outil présentant toutes les sécurités pour traiter les données issues du SNDS (Système National des Données de Santé).

Pour faire simple, les données du SNDS correspondent à celles de l’Assurance Maladie (plus connues sous le nom de « données du SNIIRAM », le Système National d’Information Inter-Régime de l’Assurance Maladie) que ce soit pour la ville (DCIR) ou les hôpitaux (PMSI). Ces données ont l’avantage de couvrir la totalité de la population française. En revanche, leur faiblesse réside principalement dans le fait qu’elles sont relativement pauvres cliniquement car il s’agit de données de remboursement.

Pour pallier ces lacunes, le périmètre du SNDS va donc évoluer prochainement pour intégrer toutes les données issues des remboursements et notamment les données cliniques.

Malgré tout, ce sont près de 200 études ou projets épidémiologiques qui ont été menés sur les deux dernières années par des laboratoires de recherche ou des bureaux d’études à partir des données de l’Assurance Maladie.

L’objectif premier du Health Data Hub est donc de décloisonner ce patrimoine de données de santé car la France possède au travers de ses chercheurs et de ses hôpitaux une multitude de registres, d’entrepôts ou de bases cliniques qui permettraient de positionner la France comme un leader dans l’usage des données de santé. Ces données de santé sont financées par la solidarité nationale et constituent un patrimoine commun. La Plateforme a comme ambition de mettre ces données au service du plus grand nombre dans le respect de l’éthique et des droits fondamentaux des citoyens tout en garantissant un accès aisé et unifié, transparent et sécurisé.

Est-ce que la mise en place de la Plateforme des données de santé (Health Data Hub) peut être utile pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 ?

Du point de vue du dépistage non, car pour le moment les données provenant des acteurs effectuant les tests virologiques ou sérologiques et notamment les résultats de ces tests, ne sont pas intégrées au Health Data Hub.

En revanche, la Plateforme est utile d’un point de vue épidémiologique avec la surveillance de la propagation. Un arrêté du 21 avril 2020 est venu compléter l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de COVID-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, l’ATIH (Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation) qui gère les données des hôpitaux, a publié une notice pour informer les établissements ayant une activité MCO (Médecine, Chirurgie, Obstétrique) des objectifs des remontées accélérées des données du PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information) : organisation des transmissions (fichiers à transmettre, calendrier des remontées) ainsi que les traitements opérés sur les données, en vue de leur mise à disposition dans la Plateforme des données de santé.

Concrètement, depuis le 27 avril 2020, les établissements MCO doivent procéder à une remontée hebdomadaire de leurs séjours. L’objectif de ce recueil vise à fournir le maximum d’informations concernant la prise en charge des patients atteints de Covid-19. Ces données vont rejoindre un ensemble d’autres informations pour la constitution d’un entrepôt de données dans le Health Data Hub, qui devrait réunir les conditions pour permettre à l’ensemble de la communauté scientifique de mieux connaître et de lutter contre l’épidémie.

Une fois transmises et traitées par l’ATIH, les données seront envoyées à la CNAM pour être chaînées avec les données du SNDS puis intégrées à la Plateforme des données de santé.

Au-delà du suivi de la propagation du Covid-19, ces données vont aussi permettre de mesurer dans un second temps les impacts plus globaux sur le système de soins : baisse d’activité « classique » des hôpitaux, diminution des recours aux médecins généralistes et spécialistes et donc des prescriptions médicamenteuses mais surtout évolution des indicateurs épidémiologiques : hausse de l’incidence de certaines pathologies (infarctus du myocarde, AVC) mais aussi hausse des décès due à un décalage des soins (je pense aux cancers notamment).

A titre d’exemple, le groupement d’intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE, constitué par l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) et la CNAM, a publié les résultats, après cinq semaines de confinement, d’une étude de pharmaco-épidémiologie portant sur la dispensation de médicaments remboursés sur ordonnance en pharmacie d’officine depuis le début de l’épidémie en France. Les résultats, à la date du 21 avril 2020, mettent en évidence un retour vers une consommation normalisée des traitements de pathologies chroniques depuis la mi-avril, après un phénomène initial de «stockage» au cours des deux premières semaines du confinement. De plus, ils confirment la très forte diminution de la délivrance de produits qui nécessitent une administration par un professionnel de santé, notamment les vaccins mais aussi les produits destinés aux actes diagnostiques médicaux tels que coloscopies, scanners et IRM. Ces examens non pratiqués, indispensables pour diagnostiquer certains cancers ou maladies graves, pourraient entrainer des retards de prise en charge.

Quels sont les règles et les contrôles pour protéger la vie privée et les libertés ?

Concernant les conditions d’accès aux données du SNDS, les règles ont été bien définies par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Il y a l’obligation de soumettre un protocole d’étude à un comité scientifique : le CESREES (Comité Éthique et Scientifique pour les Recherches, les Études et les Évaluations dans le domaine de la Santé) qui est en charge de rendre des avis sur les projets d’études nécessitant le recours à des données personnelles de santé préalablement à l’autorisation de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés). Le CESREES se prononce sur la finalité et la méthodologie de la recherche, la nécessité du recours à des données de santé à caractère personnel, la pertinence éthique, la qualité scientifique du projet et le cas échéant sur le caractère d’intérêt public que présente le projet.

Le renforcement de la collecte des données pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire est marqué par le même souci de respecter la vie privée et les libertés, tout en permettant à la recherche scientifique d’accéder aux données de santé de manière transparente et sécurisée pour améliorer la qualité des soins et l’accompagnement des patients. Il s’opère, comme la mise en œuvre pérenne de la Plateforme, sous le contrôle de la CNIL*. Par ailleurs, le 27 avril dernier, le Health Data Hub a publié les Engagements vis-à-vis des citoyens, pris autour de quatre axes prioritaires : l’intérêt public, la protection des données, le respect des droits des citoyens et la transparence.

* La CNIL, dans son avis du 20 avril 2020 sur le projet d’arrêté, souligne le caractère temporaire de la collecte et de la centralisation des données liées à la gestion de l’urgence sanitaire et à l’amélioration des connaissances sur le virus Covid-19. Par ailleurs, la CNIL estime que des mesures juridiques et techniques adaptées devront être prévues pour assurer un haut niveau de protection. L’avis évoque notamment les modalités d’information des personnes et d’exercice des droits, les transferts de données vers des pays tiers et les divulgations non autorisées par le droit de l’Union européenne (NDLR).